XIIème congrès international de Psy Cause à Lomé (4 et 5 décembre 2018). Carnet N°1
Ce premier carnet concerne l’ouverture du congrès en début de matinée du 4 décembre 2018 à l’université de Lomé, dans la capitale du Togo. Le Dr Saliou Salifou, Président du comité togolais d’organisation, psychiatre assistant – chef de clinique, nous accueille en haut du grand escalier de l’auditorium, où est installé l’accueil des congressistes. Il écrit dans son mot introductif du « livre des résumés » remis à chaque inscrit, que « nous sommes tous des africains » selon Michel Brunet, titulaire de la chaire de paléontologie au Collège de France. Il précise alors : « je souhaite la bienvenue aux africains venant de France, aux africains venant du Canada, aux africains venant de l’Afrique et, pour faire court, aux africains venant des quatre coins du monde. »
Il rappelle, dans ce mot introductif, que la rencontre de ces premiers jours de décembre 2018 à Lomé, qui rassemble des acteurs de la santé mentale partageant l’usage de la langue française, « n’a été possible que grâce aux efforts de Psy Cause Togo, une société savante fondée à Lomé le 3 avril 2015, reliée à Psy Cause International par une convention. » Il rappelle également que cette jeune association s’est lancée sans tarder dans l’organisation de deux colloques nationaux : le 10 juillet 2015 sous le thème « Culture et Santé Mentale au Togo », les 15 et 16 septembre 2016 sous le thème « Les bonnes pratiques culturelles et la santé mentale. » (Ce second colloque étant combiné au premier congrès de la Société Togolaise de Santé Mentale). Il conclut : « ces deux essais ont donné une certaine maturité à Psy Cause Togo pour accueillir ce présent congrès, je veux dire le douzième Congrès International de Psy Cause qui s’annonce très riche ».
Avec près de 200 participants venus de pays francophones de trois continents, et au total 82 communications en provenance de 11 pays enregistrées, cet événement est un tournant dans l’histoire de Psy Cause, à la fois la conclusion d’une aventure internationale dont le moment charnière fut le congrès de Siem Reap au Cambodge il y a tout juste six ans, et, pour paraphraser un grand homme qui a marqué l’histoire, le début d’un commencement. Dans la photo ci contre, sont accueillis le Pr Philippe Nubukpo et la Dr Béatrice Ségalas. Le Pr Philippe Nubukpo est psychiatre, Professeur d’addictologie au CHU de Limoges où il dirige le pôle universitaire d’addictologie. Il est très impliqué dans l’organisation de la diaspora africaine en France, qui exerce dans le champ de la santé mentale. À ce titre, il se déclarera très intéressé par une coopération avec Psy Cause. La Dr Béatrice Ségalas œuvre au sein de Psy Cause depuis deux années dans le cadre de nos liens à Paris avec l’OIF. Très engagée dans l’association COS (Centre d’Orientation Sociale) qui gère des structures d’accueil des migrants, en particulier des mineurs non accompagnés, elle envisage là aussi de nouvelles coopérations avec Psy Cause.
Un temps de concertation technique est consacré dans la salle au déroulement à venir de la cérémonie d’accueil. Le Dr Thierry Lavergne, vice président de Psy Cause International, ainsi que le Dr Jean Paul Bossuat, président de Psy Cause International, (photo ci contre), échangent avec le maître de cérémonie. Ils mettent en particulier au point la remise à l’université de Lomé par Mr le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, des deux volumineux tomes du manuel québécois de psychiatrie du Pr Lalonde et coll « Psychiatrie clinique, approche bio-psycho-sociale. » Ainsi que l’annonce de la remise à Psy Cause Togo d’exemplaires du N°76 de la revue Psy Cause consacré en quasi totalité au « Cahier Togolais ». La publication de ce dossier Spécial Togo, dont la composition a été managée par le Dr Saliou Salifou, a été programmée pour être à disposition lors du congrès. Dix articles y mettent en valeur la santé mentale togolaise.
Une délégation canadienne est accueillie. Les trois professionnels de Montréal qui ont fait le déplacement (Mme Lallier ainsi que les Prs Borgeat et Lalonde), connaissent bien notre revue/association. Le Pr François Borgeat est administrateur de Psy Cause International en tant que représentant de Psy Cause Canada. Il avait, en 2013, soutenu très activement, avec le Pr Emmanuel Stip, notre congrès international à l’Hôpital Montfort d’Ottawa, localement organisé par le Pr Raymond Tempier. Cet établissement francophone de soin venait d’être sauvé de la fermeture par une forte mobilisation de la communauté franco-ontarienne ainsi que, il convient de le signaler, de la communauté anglophone. Le Pr Borgeat fut par la suite un promoteur de la fondation de notre section canadienne en 2015. Le Pr François Borgeat et Mme Carmen Lallier communiquèrent au congrès Psy Cause d’Ottawa. Le Pr Pierre Lalonde a croisé la trajectoire de Psy Cause à l’issue du second symposium de Psy Cause Canada lors du 51ème congrès de l’AMPQ (Association des Médecins Psychiatres du Québec) en juin 2017 à Québec. Notre vice président, le Dr Thierry Lavrergne, y était invité et fit à cette occasion la rencontre du Pr Pierre Lalonde qui sollicitait un partenariat de Psy Cause pour la diffusion auprès des universités africaines, d’un manuel de psychiatrie édité à Montréal, lequel va être mis à l’honneur lors de la cérémonie d’ouverture.
Dans l’attente de l’arrivée de Mr le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche du Togo, lequel préside la cérémonie d’ouverture, le Président de Psy Cause International a l’opportunité de saluer diverses personnalités. Ainsi, en photo ci contre, Mr le Ministre Comlangan Mawutoè d’Almeida et Mr le Directeur du Bureau Régional de l’OIF pour l’Afrique de l’Ouest, le Dr Eric Adja. Nous aurons l’occasion de reparler longuement du premier dans un prochain carnet. Le second s’informe du positionnement de Psy Cause auprès de l’OIF et nous assure de son soutien au sein de cette instance internationale. Le thème du congrès, « La Francophonie face à la mondialisation : famille et psychopathologie dans l’espace francophone », est en effet directement en rapport avec notre projet au sein de l’espace francophone.
Avec l’arrivée attendue du ministre, la cérémonie d’ouverture peut démarrer.
Mr le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, le Pr Octave Nicoué Broohm, rappelle, dans son allocution, que la santé en général et la santé mentale en particulier font partie des préoccupations du gouvernement togolais. Cette volonté s’est manifestée, entre autres, par la mise en place du programme national de santé mentale au Togo.
Le Pr Kolou Dassa, lui même psychiatre coordonateur de ce programme de santé mentale et président de la Société Togolaise de Santé Mentale associée à notre congrès Psy Cause, décline le thème retenu et dont il a été en partie à l’origine lors du second congrès de la Société Africaine de Santé Mentale, dont Psy Cause est partenaire, à Abidjan en mars 2017. Selon lui, « aujourd’hui, il est plus qu’évident que la francophonie fait face à une mondialisation envahissante, violant les limites et les frontières, en un processus de rapprochement des hommes à l’échelle planétaire à travers l’interpénétration des cultures, des technologies et des économies. Comme telle, la mondialisation suscite alors une affirmation identitaire par rapport aux nouveaux enjeux pour éviter d’être phagocyté. »
Le Pr Dassa poursuit sur l’intérêt d’appréhender le langage au niveau de l’identité : « les textes écrits trouvent place dans des communautés de parole. Les psychologues disent que notre « vocabulaire écrit » excède largement en volume notre « vocabulaire oral », car nous avons besoin de plus de mots à l’écrit pour compenser ce que nous perdons de l’expression orale. Descartes inclut dans le langage non seulement les paroles, mais aussi le langage des signes et le délire des fous ; ce qui les distingue du parler des perroquets, c’est leur caractéristique d’être « à propos » c’est à dire adaptés à la situation du locuteur. Ne faudrait-il pas parler du langage comme partie de la construction identitaire, qui passe par la parole (d’où l’importance de la langue parlée, le français, dans notre espace francophone), puis de l’écrit ? »
Le Dr Jean Paul Bossuat intervient en tant que président de Psy Cause International, également en tant que directeur de la revue Psy Cause. Il déclare :
« En ce mois de décembre 2018, ce sera la seconde fois que mes pas m’avancent sur le sol africain au sud du Sahara, au nom d’un congrès Psy Cause. Un sol où, comme le disait Léopold Sédar Senghor, la danse anime l’esprit. Un sol où le mouvement qui est à la racine de l’humain, devient assourdissant. Un sol où le développement de la psychiatrie, et plus largement de la santé mentale, est spectaculaire, à l’image même d’un continent dont il devient consensuel de dire qu’à la fin de notre siècle, il sera le moteur du développement de notre planète.
L’Afrique Subsaharienne francophone a adopté la revue Psy Cause. Egalement le Canada francophone, comme en témoigne sa participation à ces Journées. La langue française a été le véhicule, dans notre profession, d’une clinique multiséculaire qui organisa les désordres mentaux en de vastes ensembles conceptuels au delà des symptômes, qui intégra les apports des sciences humaines, qui défricha à Dakar les premières pistes de la psychopathologie africaine.
Lors de notre congrès de Parakou (Bénin) en février 2008, le Pr Francis Tognon annonçait, je le cite : « Le psychiatre béninois, formé à l’école occidentale est détenteur d’un savoir. Mais face à ses frères tradipraticiens, spécialisés dans la prise en charge des maladies mentales, il devient un apprenant. C’est à cet exercice d’apprenant que nous nous sommes adonnés pour essayer de classer les maladies mentales dans la psychiatrie traditionnelle béninoise, les recherches dans le domaine étant presque inexistantes. » Selon lui, une recherche en langue française pouvait être conduite à propos de conceptions issues d’une culture africaine.
La finalité étant un partage de connaissance à l’aide d’un outil linguistique qui est bien plus qu’un « butin » arraché au colonisateur selon le propos de l’écrivain et journaliste mauritanien M’Bareck Ould Beyrouk : « Le français est un butin que nous avons razzié, et j’ai dressé autour de ce butin une tente où j’abrite mon imaginaire. » Je comparerais plus volontiers la Francophonie à ce qu’il en fut de l’hellénisme au temps de Rome, alors que l’existence politique de la Grèce n’était plus qu’un souvenir et que des pères de l’Eglise chrétienne mariaient les concepts de Platon avec le message du Christ. Dans un temps où la langue grecque était un lieu de rencontre entre l’Orient et l’Occident. Dans un temps où la langue de la puissance dominante, le latin, coexistait avec la langue de la culture.
Je vais conclure mon parallèle sur un propos de notre vice président et mon ami, le Dr Thierry Lavergne, prononcé à l’occasion d’une intervention de Psy Cause lors d’un colloque dans la salle Senghor de l’OIF à Paris, le 16 novembre 2017 : « Aujourd’hui, deux pensées coexistent dans la plupart des pays du monde, avec d’un côté une pensée anglo-saxonne pragmatique recueillant les symptômes pour les articuler aux possibilités de traitement, notamment par les psychotropes, et de l’autre une pensée, que nous retrouvons dans la Francophonie, qui fait le constant aller-retour entre la rencontre clinique et l’élaboration théorique pour favoriser une approche humaniste référencée à la théorie, et articulée à l’histoire des grands courants de pensée humanistes. »
Les organisateurs togolais de ce XIIème congrès international de Psy Cause, tout particulièrement le Dr Salifou, son équipe de Psy Cause Togo, en partenariat avec le Pr Dassa et la Société Togolaise de Santé Mentale, auxquels vont mes remerciements ainsi que ceux de l’ensemble de l’équipe de Psy Cause International, ont plus particulièrement mis l’accent sur la famille. La question de l’origine et de celle du cadre initial qui lui donne une direction, est assurément l’essence de l’être humain, dans laquelle l’accès à la forme d’universalisme partagé qu’est la francophonie peut se structurer. Je terminerai donc, tout en souhaitant à toutes et à tous un bon congrès, par un proverbe africain : « Ne repousse pas du pied la pirogue qui t’a déposé sur la berge. » »
La cérémonie d’ouverture se poursuit avec un intermède artistique : un groupe togolais de danse traditionnelle se produit devant la tribune, face au public. Cette exhibition culturelle est un incontournable de tout congrès de santé mentale en Afrique Subsaharienne. Les organisateurs togolais n’ont pas failli au respect de cette tradition. Le spectacle est apprécié du public tant africain qu’européen (français, belge, allemand) et canadien. Les liens déjà évoqués entre la danse et l’esprit trouvent là, dans le contexte d’un congrès scientifique, leur pertinence.
Comme annoncé par le Président de Psy Cause International après la conclusion de son allocution d’ouverture, le Pr Octave Nicoué Broohm, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, remet solennellement le manuel québécois de psychiatrie du Pr Lalonde et coll « Psychiatrie clinique, approche bio-psycho-sociale » au Pr Kolou Simliwa Dassa, afin qu’il soit mis à la disposition des étudiants togolais en psychiatrie et dans le champ de la santé mentale. Ceci par l’intermédiaire de Psy Cause et tout particulièrement du Dr Thierry Lavergne, au titre de Psy Cause International, et du Pr François Borgeat, au titre de Psy Cause Canada. Et dans le cadre d’un événement organisé à Lomé par Psy Cause Togo.
La cérémonie d’ouverture s’achève en extérieur sur la terrasse de l’espace de restauration de l’auditorium, avec une photo protocolaire des principales personnalités.
À suivre avec le carnet N°2…
Jean Paul Bossuat