Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

Vœux 2016 du Dr Jan Cimicky, rédacteur de Psy Cause à Prague

01-Bonne-annéeLe 19 janvier 2016, le Dr Jan Cimicky, psychiatre et directeur de l’Hôpital de Jour « Modra Laguna » à Prague, adresse au directeur de la revue Psy Cause ses vœux de Nouvel An. Il précise également : « le nouveau numéro en couleur est formidable ! ».

 

Ces vœux méritent une évocation rétrospective sur un quart de siècle d’une relation avec un collègue tchèque francophone et amoureux de la France au point d’avoir publié à Prague un guide touristique sur la ville de Paris. Ces 25 années sont inséparables de l’identité même de la revue Psy Cause.

 

Tout a commencé en 1991 dans le cadre de la revue des CEMEA Vie Sociale et Traitements (VST), dont le futur directeur de Psy Cause était membre du comité de rédaction. Cette revue de psychiatrie est elle même une page d’histoire de la psychothérapie institutionnelle qui a été au centre de ma formation et de ma pratique. Elle fut fondée en 1954 par Georges Daumézon et Germaine Le Guillant qui recherchaient un partenaire pour créer une revue à même de publier des articles contribuant aux échanges d’idées sur les pratiques soignantes des psychiatres et paramédicaux qui constituaient les équipes du service hospitalier prenant en charge les malades mentaux, engagées dans la dynamique désaliénante de la psychothérapie institutionnelle, née en France pendant la seconde guerre mondiale.

 

02-CEMEA-VSTIls se tournèrent vers les CEMEA (Centres d’Entrainement aux Méthodes d’Education Active) qui sont un grand mouvement d’éducation populaire né du Front Populaire en 1936 et du développement des colonies de vacances. Le projet des CEMEA : « l’Éducation nouvelle, pédagogie qui crée des situations où chacun, enfant, adolescent, adulte, en prenant conscience de son milieu de vie, peut se l’approprier, le faire évoluer, le modifier, dans une perspective de progrès individuel et social », trouvait bien évidemment un écho avec le projet de la psychothérapie institutionnelle dans les hôpitaux psychiatriques en 1954.

 

Cette technique de soins empruntait ses modèles théoriques tant à la psychanalyse freudienne qu’au constructivisme sociétal marxiste, ce qui créait un mélange idéologique très singulier regroupant des thérapeutes aux engagements politiques divers qui avaient en commun d’être engagés dans le champ de la désaliénation mentale. Finalement, on peut dire avec le recul que le mouvement thérapeutique de la psychothérapie institutionnelle était dans l’après guerre à l’image de la Résistance.

 

En 1991, la « révolution de velours » venait deux années plus tôt de mettre fin à Prague au totalitarisme communiste. La revue VST recevait le Dr Jan Cimicky qui venait nous parler des changements survenus dans son pays. Ses liens avec VST et les CEMEA étaient anciens et remontaient aux années où il exerçait à l’Hôpital de Jour de la MGEN. C’est à l’occasion de cette visite à Paris que je faisais sa connaissance.

 

03-Pierre-Rakos-2_94L’année suivante, le Centre Hospitalier de Montfavet (Avignon), où j’exerçais comme chef de service, proposait par l’intermédiaire du Dr Jan Cimicky, de s’ouvrir à des psychiatres stagiaires en provenance de la Tchécoslovaquie afin de contribuer aux nouvelles possibilités d’échanges ouvertes par la révolution de 1989. Nous accueillions en janvier et février 1994 le Dr Pierre Rakos, un collègue du Dr Jan Cimicky à l’Hôpital Psychiatrique de Prague. Ce dernier avait le projet de créer une unité de soins qui se réfère à la psychanalyse et à l’institutionnel. Sa sensibilité et sa culture ont fait l’unanimité au sein du corps médical du Centre Hospitalier de Montfavet. Le Dr Pierre Rakos écrivait un roman. L’écriture était une activité de création très prisée parmi les psychiatres de Prague dans un pays présidé alors par le dramaturge et ancien dissident Vaclav Havel.

 

Le tragique décès du Dr Pierre Rakos après son retour d’Avignon ne remettait pas en question les relations privilégiées établies avec Prague. Ces dernières étaient même appelées à s’enrichir d’une nouvelle dimension. En effet la revue VST traversait en 1994 une grave crise avec le départ d’une bonne partie de son comité de rédaction. Les CEMEA réorientaient la revue vers le champ des éducateurs spécialisés et vers un monde institutionnel décentré de l’hôpital public. Cette crise a stimulé la création l’année suivante de la revue Psy Cause, héritière du concept de revue des équipes de psychiatrie.

 

04-Jan-Cimicky-mai-94En mai 1994, le Dr Jan Cimicky invitait le Dr Jean Paul Bossuat au congrès national de psychiatrie qui se déroulait à l’Hôpital Psychiatrique de Prague. Ce congrès fut l’occasion de rencontrer le Dr Petr Taraba, très demandeur pour des liens entre son établissement (l’Hôpital Psychiatrique d’Opava en Moravie du Nord) et le Centre Hospitalier de Montfavet, lesquels connurent un aboutissement en juin 1997 par un jumelage entre les deux établissements. En mai 1994, le Dr Jan Cimicky était chargé de la coordination des ateliers d’ergothérapie et de création de l’Hôpital Psychiatrique de Prague. Il envisageait, dans le nouveau contexte post révolutionnaire, son départ pour un nouveau mode d’exercice. Il était alors au cœur de la dimension institutionnelle de son hôpital qui valorisait la création artistique. Il ajoutait une note personnelle avec une pratique de l’acupuncture comme soin psychiatrique. Très rapidement la MGEN allait lui donner un coup de main pour créer un hôpital de jour qui sera « Modra Laguna ».

 

La revue Psy Cause, créée lors de l’été 1995, établissait d’entrée une relation privilégiée avec les collègues tchèques, en tant que revue des équipes de psychiatrie du Centre Hospitalier de Montfavet (entre autre). L’équipe médicale, francophone, de Modra Laguna est composée des Drs Jan Cimicky et Omar Mounir. Sept articles ont été publiés (de 2002 à 2014) dans la revue Psy Cause, le premier signé du Dr Jan Cimicky et les six suivants par le tandem des Drs Jan Cimicky et Omar Mounir :

– N°27 janvier/mars 2002, pages 20 à 24 : Le changement de comportement en Tchéquie. Jan Cimicky.

– N°35/36 janvier/juin 2004, pages 47 à 52 : Théorie de la dégénérescence, médecine prédictive (Prague). Jan Cimicki, Omar Mounir.

– N°40/41 Avril/septembre 2005, pages 54 à 59 : « La responsabilité médicale » « Vue de Prague » ou « Le rapprochement avec l’Europe ». Jan Cimicky, Omar Mounir.

– N°51 janvier/juin 2008, pages 38 à 43 : Demande ou non demande ? Jan Cimicky, Omar Mounir.

– N°55 juillet/septembre 2009, pages 42 à 44 : Le phénomène de « la maladie de sortie de l’hôpital ». Jan Cimicky, Omar Mounir.

– N°60 janvier/juin 2012, pages 34 à 36 : Le corps morcelé … et le savoir vivre. Jan Cimicky, Omar Mounir.

– N°65 janvier/mars 2014, pages 62 à 65 : La dégradation des relations ou l’évolution inévitable ? (dégradation fatale ou transformation inéluctable ?). Jan Cimicky, Omar Mounir.

 

05-Modra-LagunaLe lecteur peut relire un texte déjà publié sur notre site à propos des vœux 2012 du Dr Jan Cimicky. Le fil d’Ariane de ses articles est un regard critique sur les évolutions sociétales et de comportement depuis la révolution de velours. Le Dr Jan Cimicky dénonce la mise en place d’un libéralisme sauvage en santé mentale depuis la révolution de velours, avec en particulier, en 2009, le financement abandonné par l’état et repris par les assurances. Il appelait donc l’état à conserver des responsabilités dans ce domaine. Plus récemment, en 2012, il attirait l’attention sur les méfaits de la surspécialisation, se déclarant convaincu « que l’homme ne peut être remonté et démonté en pièces détachées ; il faut le prendre en considération dans sa globalité. » En 2014, et c’est son dernier article à ce jour, il écrivait : « La vérité et l’amour» devaient, selon l’ex-président Vaclav Havel, vaincre «le mensonge et la haine»; cela ne s’est pas réalisé Les rapports humains changent de façon quasi dramatique, l’arrogance et l’agressivité ayant pris le dessus. Le système politique précédent refusait le droit à la liberté d’expression et la liberté de voyager, mais il garantissait la sécurité de l’emploi et la gratuité des soins médicaux. Les « réformes » actuelles ne sont faites ni pour les patients ni pour les médecins, ni pour le secteur de la Santé en tant que système fonctionnel et économique. Les lois sont faites pour les bénéfices des groupes médicaux. Après la destruction de la Santé publique, l’accès aux soins et leur qualité seraient pour l’Etat et surtout pour les citoyens de plus en plus coûteux. Les entrepreneurs du commerce médical ont très bien compris que chaque malade donne tout ce qu’il peut pour être guéri ! Les malveillants disent que chaque changement ne peut être que pire… Eh bien, laissons-nous surprendre. »

 

Le premier Janvier 1993, la Tchécoslovaquie laissait la place à deux états : la Tchéquie et la Slovaquie. En mai 2002, j’étais invité à un congrès sur la prise en charge des psychoses, à l’Hôpital Psychiatrique d’Opava, à la fois au titre du jumelage entre les HP d’Opava et de Montfavet, et au titre de la revue Psy Cause. Les communicants venaient tant de Tchéquie que de Slovaquie. Ce qui était saisissant, c’était la divergence de culture accomplie en presque 10 ans dans le discours psychiatrique. Du côté tchèque, les intervenants s’intéressaient à l’histoire du sujet, à la dimension institutionnelle du soin, à une vision humaniste. Du côté slovaque, on était résolument « scientifique », avec graphiques, études statistiques des symptômes, dans une forme de « modernité ». Ce que je dis là est évidemment une impression globale qui ne tient pas compte des cas particuliers. Cela se doublait d’une particularité linguistique : je pouvais trouver des interlocuteurs francophones parmi les tchèques tandis que du côté slovaque, on m’avait fait poliment observer que je devais utiliser l’anglais comme langue de communication.

 

06-Taraba Pribor-26_12_06Le Dr Petr Taraba, organisateur de ce congrès et rédacteur tchèque francophone dans la revue Psy Cause, avait été un acteur important dans le jumelage avec le Centre Hospitalier de Montfavet. La prise en charge institutionnelle des psychoses, avec des méthodes psychothérapiques utilisant le psychodrame, était au cœur du projet thérapeutique de l’Hôpital Psychiatrique d’Opava. Avec un psychologue francophone de Silésie tchèque, Ivan Galuszka, et le Dr Jan Cimicky, nous avons le groupe des rédacteurs tchèques francophones de Psy Cause. Tous les trois, ils allaient piloter notre VII°congrès international en République Tchèque (mai 2011) sur Prague avec le Dr Jan Cimicky et à Pribor, la ville natale de Sigmund Freud, avec le Dr Petr Taraba et Mr Ivan Galuszka.

 

Le Dr Jan Cimicky fut à ce voyage/congrès l’animateur à Prague d’une soirée dans la bibliothèque de la fondation Kafka sous la houlette de l’académie de la littérature tchèque, consacrée à des œuvres littéraires de professionnels tchèques de la psy. En 2008, il confiait dans Psy Cause : « Il y a 35 ans, je me suis spécialisé et j’ai commencé à travailler07-Cimicky en psychiatrie. En même temps, j’ai continué ma création littéraire tout en collaborant avec de nombreux médias, notamment la radio tchécoslovaque. Le travail à la radio représentait pour moi une grande école de communication. »

 

En ce début d’année 2016, le Dr Jan Cimicky nous confirme sa fidélité à Psy Cause.

 

Jean Paul Bossuat

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1 Commentaires

  1. Bonjour
    J’ai connu le Dr Cimicky il y a 25 ans. J’aimerais entrer en contact avec lui. Vous serait-il possible de me donner un moyen de le contacter ou de vous laisser mes references afin de les lui transmettre svp? Je vous en serais infiniment reconnaissante. Cordialement. Valerie Foulon de Lille.