Vers un retour de Psy Cause en Égypte. Première partie (2001/2003)
L’évolution politique actuelle de l’Égypte permet d’envisager à moyen terme un retour dans ce pays où la culture et la langue françaises sont présentes au sein d’une élite cultivée. C’est à l’occasion d’un moment convivial organisé à Marseille, qui a regroupé le 16 novembre 2014 les psychiatres de cette ville venus au congrès de Kyoto, que fut exprimé le désir d’un retour de Psy Cause en Égypte, que soit mis fin à une parenthèse de sept années d’interruption d’un lien singulier et important. Ce lien initié à la fin de l’année 2001, fut très vivant jusqu’à la fin de l’année 2007. Tout a commencé en 2001 par des contacts avec l’association franco-égyptienne de psychiatrie qui nous a mis en rapport par courriel avec le Dr Nasser Loza, psychiatre égyptien francophone, médecin directeur de la célèbre clinique psychiatrique privée cairote : le Behman Hospital. Le 28 décembre 2001, le directeur de la revue Psy Cause, par ailleurs étudiant en égyptologie à l’université Lyon II, était en voyage privé au Caire et rencontrait le Dr Nasser Loza. Sur la photo ci-contre, on le voit en compagnie d’une égyptologue qui a participé à des fouilles à Tanis, et du Dr Amin Ashraf, psychiatre addictologue d’origine égyptienne installé à Toulon et rencontré au cours de l’année. C’est lors de cette rencontre au Caire, que fut arrêtée l’idée d’un « colloque itinérant » en Égypte dont l’un des temps forts serait une journée scientifique au Behman Hospital. Ce colloque allait être le point de départ de la vocation internationale de Psy Cause.
Un voyage de repérage fut programmé en juillet 2003. Nous avions à l’époque l’interface d’une agence égyptienne de Marseille avec un réceptif efficace et dévoué qui nous a accompagné tout au long des 5 années de présence de Psy Cause en Égypte (de 2002 avec le Dr Nasser Loza au Caire, jusqu’à 2007 avec le Dr Habachi El Gammal à Assouan), n’hésitant pas à mouiller sa chemise sur le plan du scientifique en intervenant sur place auprès de nos interlocuteurs psychiatres égyptiens ainsi qu’auprès des égyptologues présents sur le terrain. En juillet 2007, nous retrouvions le Dr Nasser Loza dans sa clinique psychiatrique renommée dans le proche orient puisqu’une tête couronnée y avait été soignée. Nous décidions avec lui du thème du « colloque itinérant franco-égyptien », à savoir « le sommeil et le rêve » puisque sa clinique avait un équipement de pointe dans le traitement des troubles du sommeil et qu’il existait dans son institution une demande d’échanges à ce sujet. À la même époque, la responsable de l’enseignement de l’égyptologie à l’Université Lyon II, la Pr Laure Pantalacci, avait programmé sa présence à Dendara et organisé une visite sur un lieu de fouille à Karnak. Et une enseignante en philosophie qui suivait, à Lyon, les cours du diplôme d’égyptologie avec le directeur de Psy Cause, Mme Madeleine Pulcini, avait donné son accord pour participer à l’encadrement du futur groupe Psy Cause des congressistes. Accord qu’elle renouvellera en 2005.
Le N°38 de la revue Psy Cause sur les actes de ce colloque, va être la base du récit de cet événement qui va suivre.
Le 25 octobre 2003, une cinquantaine de congressistes français s’installait dans la salle de conférences de la prestigieuse Grande Bibliothèque d’Alexandrie pour un exposé qui donne le coup d’envoi du premier congrès international de Psy Cause. Dans une note du chapitre III de la Traumdeutung, Freud écrit : « Je ne prétends point être le premier qui ai vu dans le désir l’origine du rêve. Ceux que l’origine de cette conception intéresse en trouveront des traces dans l’Antiquité, chez Hérophile, médecin qui vivait sous Ptolémée Ier. » Le thème choisi pour le colloque itinérant en Égypte (le sommeil et le rêve) ne pouvait trouver meilleur point de départ, avec la communication inaugurale de la philosophe Mme Madeleine Pulcini dans cet espace de culture fréquenté il y a 2300 ans par Hérophile, alors que l’Égypte était gouvernée par un général macédonien d’Alexandre le Grand.
Mme Madeleine Pulcini introduit son propos par ces mots : « Parler de la Grande Bibliothèque d’Alexandrie est, pour moi (comme pour tout intellectuel, je le suppose), si chargé de sens, que j’éprouve en ce moment une très vive émotion. Son architecture, hautement symbolique, a rappelé à la philosophe que je suis, que nous nous trouvons bien là dans un lieu d’exception. Non seulement à la croisée du passé et du futur, de l’imaginaire et du réel … mais aussi à la croisée du mythe et de l’utopie, ces deux grands moteurs de la pensée humaine. » (Psy Cause N°38, article de Madeleine Pulcini « Hérophile et la Grande Bibliothèque d’Alexanderie », pages 9 à 16).
Mme Madeleine Pulcini revient sur cette note de freud dans la Traumdeutung : « À première lecture, une telle référence n’est pas faite pour surprendre chez un auteur comme Freud, médecin de la fin du XIX° siècle et du début du XX°. Inutile même d’invoquer son intérêt bien connu pour l’Égypte, puisque comme tout penseur de son temps, sa formation est d’abord celle d’un humaniste et la connaissance des « classiques » de l’Antiquité gréco-romaine va alors de soi. D’autant plus que, bien que tous ses ouvrages aient disparu, Hérophile était cité comme une référence dans de nombreux textes médicaux. De Polybe à Aetius d’Amida, byzantin du VI° siècle après JC, en passant par Pline l’Ancien, Plutarque et surtout Galien, pour ne citer que les auteurs les plus connus de chacun, Hérophile est resté longtemps et sans aucun doute, une figure de l’autorité en matière médicale. Il avait donc tout naturellement sa place dans un ouvrage de synthèse tel que la Traumdeutung. »
« Plus surprenante, par contre, est la remarque qui précède immédiatement la note renvoyant à Hérophile. Freud y fait allusion à la sagesse que l’on qualifie de populaire en rappelant quelques proverbes : « le cochon rêve de glands, l’oie de maïs. » Troublante affirmation, voire même paradoxale, que celle d’un scientifique qui annonce qu’il va défendre une thèse qui brille non seulement par son ancienneté, mais aussi par sa banalité ! D’autant que Freud pose sans ambiguïté son intension de « généraliser » ce qui chez Hérophile relevait d’une approche plus analytique, donc plus scientifique, aux yeux d’un penseur d’aujourd’hui ! » Mme Madeleine Pulcini observe d’ailleurs que ce n’est pas sa conception du rêve qui a fait connaître Hérophile, et évoque l’anatomie avec le « pressoir d’Hérophile », la théorie du pouls, la passion classificatoire des Grecs, la désacralisation de la nature, et le climat de capitale frontière à Alexandrie, une ville en marge qui transgresse les tabous.
Mme Madeleine Pulcini en vient à la théorie du rêve chez Hérophile. Elle s’arrête sur la catégorie des « rêves mixtes » qui concernent le rêve érotique, ceux qui « arrivent spontanément selon la rencontre des images, quand nous contemplons ce que nous désirons, comme cela arrive dans le sommeil quand les dormeurs voient l’objet de leurs amours. » Freud, nous dit-elle, disait dans la Traumdeutung : « … quand nous voyons ce que nous désirons ». C’est là qu’il y aurait une anticipation des analyses de la théorie freudienne. Mais Hérophile en reste au descriptif et ne va pas au delà. Elle nous confie : « j’attendais plus, je l’avoue, d’un esprit par ailleurs, si créatif ! (…) Aucune préoccupation concernant le sens du rêve, sa fonction (…) Le plus surprenant est surtout le silence total sur une possible dimension thérapeutique du rêve, chez un médecin et en un temps où on a défini la passion comme étant une « maladie de l’âme » ! Alors réserve de scientifique, puisque la science est par définition la « recherche des causes » ? Peut-être prise de distance par rapport à la « médecine sacrée » qui, au moment même où se mettent en place les fondements d’une médecine scientifique, fait retour dans une montée continue du culte d’Asclépios. »
Nous aurons plus tard dans ce colloque itinérant, l’occasion de nous pencher sur les cultes de dormition à visée thérapeutique. En tout cas, Mme Madeleine Pulcini pose là un débat qui, plus de deux millénaires plus tard, traverse encore la psychiatrie d’aujourd’hui.
Après cette communication, nous procédons à la remise solennelle de la collection complète de la revue Psy Cause. Désormais les numéros de notre revue internationale francophone seront envoyés à la Grande Bibliothèque d’Alexandrie jusqu’à aujourd’hui, ce qui représente 11 années consécutives d’une présence sans cesse mise à jour dans les rayons de ce lieu chargé d’histoire. Chaque année nous recevons une lettre de remerciement et une invitation à venir rendre visite. Un retour de Psy Cause en Égypte devra nécessairement comporter une étape dans cette bibliothèque.
Un grand moment culturel clôture cette journée du 25 octobre 2003 : la description depuis le fort du sultan Qaytbay, du site du phare d’Alexandrie par Jean-Yves Empereur en personne. L’archéologie sous marine a révolutionné la connaissance de cette grande capitale antique et a permis de reconstituer virtuellement l’architecture de l’une des 7 merveilles du monde. Et de remonter à la surface statues et sphinx de l’époque des Ptolémées. Elle allait même, à l’est d’Alexandrie, permettre d’explorer une cité engloutie de cette époque. Au fil des siècles, des portions du rivage du delta du Nil se sont affaissées. À cela s’ajoute un nouveau phénomène : l’érosion due à l’absences des boues jadis amenées par les inondations qui transformaient pendant quelques mois chaque année le paysage en un ensemble d’ilots émergeant d’une mer d’eau douce.
La journée du 26 octobre 2003 est consacrée à la traversée du delta du Nil avec une longue escale en plein cœur de la « Basse Égypte » sur le site de Bousiris : lieu mythique ignoré des circuits touristiques. Jadis s’élevait là un temple de la même importance que celui de Karnak à Louxor, qui accueillait des foules immenses lors des cérémonies de mort-renaissance du dieu Osiris comme l’atteste le reportage d’Hérodote au V° siècle avant notre ère : « Pour la fête d’Isis à Bousiris, j’ai déjà dit comment on la célèbre. Après le sacrifice, ai-je dit, tous se meurtrissent de coups, hommes et femmes, qui se trouvent là par dizaines de mille. En l’honneur de quel dieu, il ne m’est pas permis de le dire. » (Hérodote, l’enquête, livre II, page 191, Gallimard 1985). Il était dangereux d’évoquer le dieu des morts et Hérodote devait conserver le secret de son initiation. C’est 2000 ans plus tôt, au XXV° siècle, que les pharaons de la V° dynastie se saisirent de cette divinité alors locale pour l’ériger au rang d’un signifiant maître fédérateur de toutes les croyances funéraires de la vallée du Nil unifiée politiquement depuis 600 ans. Isis, l’épouse et sœur d’Osiris, sera après la visite d’Hérodote appelée à une destinée universelle, adorée au temps des Romains de York à Assouan. Les Chrétiens ne s’y sont pas trompés et lorsqu’en 383 l’empereur Théodose fait du christianisme la religion d’état, ils s’acharneront contre le sanctuaire majeur d’un dieu mort et ressuscité.
Et Jean Yoyotte a pu écrire : « De ce sanctuaire de la passion osirienne, il ne reste aujourd’hui à peine plus qu’un nom : Abousir. Un village dense juché au flanc d’un méandre du Nil recouvre la vielle ville. Dans la campagne voisine, on ne trouve pas sans mal ce que les paysans et les fouilleurs clandestins ont laissé de son illustre nécropole : un terrain vague de quelques vingt mètres sur vingt, la pauvre table d’offrandes d’un obscur personnage du Moyen Empire et les admirables morceaux d’un sarcophage du IV° siècle, cachés sous les halfas et les épineux, y rappellent presque seuls quarante siècles de piété osirienne. Telles y furent assurément les fureurs chrétiennes et l’exploitation médiévale des pierres anciennes que l’on repère seulement dans nos musées une demi-douzaine de statues et quelques reliefs venant de Bousiris. » (Jean Yoyotte, Les pèlerinages dans l’Égypte ancienne, Sources orientales III, 1960, p. 32-33).
Le moment le plus apprécié de notre groupe est la randonnée pédestre sous escorte militaire dans la campagne osirienne de la nécropole. Nous foulons un sol fécondé par les germinations issues du dieu. Et nous pouvons visiter des paysages immuables du delta du Nil à l’image de ceux qui sont peints sur les parois des tombes de la vallée des rois en face de Louxor. Au bout de quelques kilomètres de marche, le groupe peut stationner devant un demi-sarcophage, but officiel de la visite et du déplacement de l’armée.
Le 27 octobre 2003, les congressistes sont au Caire et s’installent dans la salle de conférences du Behman Hospital. Marlène Bastanros, psychiatre égyptienne, présente l’activité du centre de traitement des troubles du sommeil qui dépend du Behman Hospital. La seconde communication est celle du Dr Christian Bourbon psychiatre à Toulouse où il dirige dans une clinique privée un centre de traitement des troubles du sommeil, qui nous fait part de ses recherches menées à l’occasion d’expériences extrêmes : l’influence de la nuit polaire sur le cycle veille/sommeil, chez un individu en hivernage sur la banquise arctique ; un entrainement de Guy Delage pour réaliser la traversée de l’Atlantique en ULM en environ 48 heures. Cette performance n’était possible qu’à condition de maîtriser la technique des microsommeils et d’accroitre la résistance physiologique au manque de sommeil prolongé. Le Dr Christian Bourbon évoque aussi le raid Toulouse-Barcelone, course marathon par équipe pendant trois jours et trois nuits. La troisième communication est anthropologique, de la Dr Sophie Sauzade, pédopsychiatre, et de deux anthropologues, Daniel Bley et Nicole Vernazza. Ces auteurs ont étudié le sommeil chez l’enfant à propos d’un programme de délivrance gratuite de moustiquaires au Cameroun. Ces communications sont suivies d’une visite de la clinique.
Après le déjeuner, le Dr Nasser Loza, psychiatre-directeur, nous donne quelques repères sur la psychiatrie dans l’Égypte de 2003. La ville du Caire (dix millions d’habitants) dispose de 5800 lits de psychiatrie sur quatre hôpitaux psychiatriques. Le reste du pays se partage 1200 lits. Pour toute l’Égypte, on a 250 psychologues, et un psychiatre pour 130 000 habitants. Les guérisseurs traditionnels et religieux ont un rôle important. Ils pratiquent des thérapies de groupe, la suggestion, les incantations et les amulettes. Sur le plan de la clinique, on note en Égypte une fréquence particulière des conversions hystériques et à un niveau moindre, des troubles boulimiques et anorexiques. À la différence du Maghreb, constate le Dr Nasser Loza, « les femmes égyptiennes s’expriment. » Par contre le silence est de mise quant au suicide très mal accepté dans les familles, la religion et sur le plan légal. Les statistiques n’en parlent pas. Il en est de même pour l’inceste et la pédophilie. L’exposé s’achève sur l’accès aux médicaments tous importés à l’exception du Prozac égyptien. Les patients paient leurs médicaments y compris à l’hôpital sauf quelques rares molécules gratuites dans le système public. L’infirmière-chef de la clinique (Behman Hospital), francophone et riche d’un parcours professionnel au Canada, clôture cette journée de congrès avec son exposé très documenté et passionné sur l’approche du rêve et du sommeil dans la médecine chinoise.
Le groupe passe ensuite deux journées à Assouan (les 28 et 29 octobre 2003). La première journée est égyptologique avec pour temps fort, la stèle de la famine. Ce document dressé au sommet de l’ile de Séhel dans le décor sauvage des cataractes, raconte comment les dieux se sont adressés en rêve au roi pour lui indiquer les rites et donations à mettre en œuvre pour l’obtention d’une bonne crue nourricière. Un exercice de lecture des hiéroglyphes y est proposé au groupe des congressistes par le Dr Jean Paul Bossuat.
La seconde journée à Assouan est psychiatrique avec la visite de l’hôpital psychiatrique d’Assouan installé en plein désert non loin du barrage. Nous avons été recommandés auprès du psychiatre directeur, le Dr Habachi El Gamal, par le Dr Nasser Loza. Tous les deux ont des relations d’amitié et partagent la religion copte. Cette visite est le premier pas vers une collaboration qui débouchera en 2005 sur un congrès de psychiatrie à Assouan. Cet établissement pratique à grande échelle les soins à domicile, approche unique en Égypte.
La navigation sur le Nil d’Assouan à Louxor (du 29 au 31 octobre) est l’occasion après le coucher du soleil, de causeries dans le grand salon. L’une d’entre elles est particulièrement remarquée, celle de Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et éthologue à La Ciotat (près de Toulon) qui s’est inscrit parmi les congressistes. Ce dernier nous parle du rêve chez l’aveugle, qui n’a pas besoin d’images graphiques : « Ce qui m’a fait comprendre cela, c’est un choix que j’avais fait, d’aller dans une institution pour enfants aveugles de naissance. Et puis, apparait une éducatrice et un petit garçon de 10/11 ans qui dit a l’éducatrice : « Oh, tu es belle aujourd’hui ! » Je n’ai posé aucune question et, ensuite, je vois l’éducatrice et lui dis : « Est-ce que j’ai bien entendu, il a dit tu es belle aujourd’hui ? » « – Oui bien sûr. » « Mais comment peut-il dire ça puisqu’il n’a jamais eu l’occasion d’avoir des images dans sa vie ? »
Alors, elle me dit que l’on peut parler à l’enfant. Elle le connaissait suffisamment pour lui poser les questions que moi je trouvais indiscrètes. Elle lui pose une question et l’enfant lui répond : « Tu ne fais pas le même bruit en marchant. Ta robe ne fait pas le même bruit, ta voix n’a pas la même sonorité, tu ne formes pas en moi la même image que d’habitude, aujourd’hui tu formes en moi une belle image, aujourd’hui tu es belle. » Cet enfant-là avait tracé dans sa représentation, d’autres contours que ceux que nous formons avec nos yeux et notre organe visuel. » (Boris Cyrulnik, Le rêve chez l’aveugle, Psy Cause, N°40/41, p. 6 à 14. En ligne sur le site dans la rubrique « anciens numéros »).
À Louxor, les congressistes achèvent leurs découvertes égyptologiques avec les niches osiriennes de Karnak, les lits clos de Deir el Medineh, la terrasse des rites de dormition dans le temple d’Hatchepsout à Deir el Bahari. Un grand moment est une rencontre avec la Pr Laure Pantalacci dans le temple de Dendarah, le premier novembre 2003. Cette dernière est venue de son chantier de fouilles de Coptos, pour nous parler, comme annoncé, des rites de dormition pratiqués dans un bâtiment situé à droite du corps du temple d’Hathor et appelé par François Daumas « le sanatorium ». C’est du moins ce que nous attendons… Dans les années 1950, l’égyptologue François Daumas imagina autour de bassins au centre de l’édifice et supposés destinés à des bains curatifs, un déambulatoire avec des chapelles rayonnantes, chacune servant de chambre, de lieu pour dormir sous la protection de telle ou telle divinité avec laquelle on recherchait une communication par le rêve. Son argument de poids était l’existence d’un socle de statue contenant une formule magique faisant appel à la protection d’Isis. Or la Pr Laure Pantalacci met en avant ses objections à l’hypothèse de François Daumas : ce serait un exemple unique en Égypte d’hôtel-sanatorium, les rites de dormition se pratiquant habituellement dans l’axe du temple au plus près de la divinité et non dans un local annexe. Le bâtiment identifié par François Daumas est dans un espace technique utilitaire réservé à des artisans, des techniciens mais certainement pas à la dormition : « Il faut se représenter autour du temple une circulation incessante de gens qui portaient des fleurs, du grain, de la viande, allaient et venaient dans les boulangeries, le centre d’abattage de la viande, les ateliers de fabrication et de traitement des offrandes alimentaires. » L’égyptologue Sylvie Cauville se prononce aujourd’hui pour une teinturerie. Ce sanatorium du temple de Dendarah n’aurait été qu’un rêve d’égyptologue.
Le colloque « itinérant » s’achève à Louxor le 2 novembre 2003 par une soirée de clôture dans la salle de conférences de l’hôtel. Avant le discours de clôture de Boris Cyrulnik, le Dr André Salomon Cohen, alors psychiatre au Centre Hospitalier de Montfavet, nous fait rêver une dernière fois sur le mythe du héro. Cette intervention, selon lui, clôture « l’ensemble des interventions scientifiques de ce long voyage en Égypte de dix jours. » Il précise : « je trouve amusant, en tant que psychiatre d’origine juive, de parler de Moïse l’égyptien en terre d’Égypte. J’y vois un juste retour des choses, quelque chose d’idéal. »
Ainsi s’achève ce qui allait par la suite être considéré comme « premier congrès international de Psy Cause ». Cette expérience égyptienne se situe à l’apogée du rayonnement de Psy Cause en France, elle donne le coup d’envoi des actions internationales, et, surtout, inscrit une ponctuation dans une histoire franco-égyptienne de Psy Cause qui va se prolonger quatre années. À suivre dans la seconde partie sur le site …
Jean Paul Bossuat