Repérage au Cambodge : carnet N°4
Envoyé le 3 décembre 2011 dans Asie, Journal | Commentaires fermés sur Repérage au Cambodge : carnet N°4
Le 29, Chantal Dorf, psychologue clinicienne belge et directrice de l’ONG « Louvain Coopération au Développement » pour le Cambodge et domiciliée à Phom Penh me reçoit après une navigation de 6 heures en « speed boat » depuis Siem Reap. Cette ONG a été créée à l’initiative de plusieurs membres de l’Université catholique de Louvain en Belgique wallonne (Louvain le Neuve). Sa mission est « d’accroître la capacité des populations moins favorisées à s’organiser pour subvenir elles-mêmes à leurs besoins fondamentaux » avec des partenaires locaux qu’il convient de rendre autonomes. Cette ONG est présente au Bénin, au Togo, au Congo ex-belge, au Burundi, en Bolivie et au Pérou, et enfin (depuis le milieu des années 2000), au Cambodge où elle organise des services de santé mentale. L’un des points forts de cette sympathique ONG francophone, est la création à Kompong Thom, d’un centre de santé mentale avec un psychiatre, prenant en charge principalement des psychotiques.
Chantal Dorf m’avait été recommandée par le Pr Daniel Mac Laughlin qui enseigne à New York le droit international et le droit humanitaire. J’avais été mis en rapport avec ce Pr américain qui écrit un excellent Français, par le Pr Lim Keuky qui l’avait rencontré l’année dernière au Cambodge : il était venu des États Unis car il dirigeait un projet examinant la santé mentale au Cambodge sous la perspective des droits de l’homme. Le Pr Daniel Mac Laughlin m’avait conseillé trois contacts : la faculté de médecine avec le Pr Ka Sunbaunat, la recherche en anthropologie médicale avec Anne Guillou du CNRS, et Chantal Dorf.
Le lendemain matin, j’ai rendez-vous à la faculté de médecine avec le Pr Ka Sunbaunat, Professeur de psychiatrie et doyen de la faculté. Ce rendez-vous est évidemment essentiel pour notre projet de congrès en novembre 2012. La faculté de médecine enseigne en Français et donc les psychiatres qui en sont issus ont une connaissance de la langue française. Notre projet d’une manifestation scientifique organisée par une revue francophone y puise tout son sens. Le Pr Ka Sunbaunat accepte volontiers d’entrer au comité de rédaction francophone de la revue Psy Cause et de présider notre congrès. Le thème l’intéresse beaucoup car il vient d’introduire le bouddhisme dans les soins psychiatriques (le bouddhisme dans la santé mentale et au Cambodge), dans le programme de formation pour le diplôme de psychiatre. Il a le projet d’ailleurs de faire venir à notre congrès ses 17 étudiants.Nous avons un long échange sur les approches occidentales et orientales de la psy. Il m’expose « l’octuple sentier sacré » du bouddhisme : connaissance droite, pensée droite, langage droit, action droite, existence droite, effort droit, attention droite, médiation droite. Ce sentier représente la voie qui conduit à la suppression de la souffrance. La connaissance, c’est lorsque l’on connaît la voie de la vérité, laquelle passe par un enseignement. Cette vérité est en rapport avec une cohérence de la nature dans le sens de la logique, elle implique d’éviter la fausse logique. On est à l’opposé de l’exploration en Occident des traumatismes qui causent la souffrance, en particulier par la psychanalyse et sa mise au jour de l’inconscient mais aussi dans les thérapies cognitivistes. Quoique le Pr Ka Sunbaunat partage le point de vue que la phénoménologie puisse être un point de rencontre entre l’Orient et l’Occident. La communication prévue de notre collègue de Valence, rédacteur phénoménologue, le Dr Jean Louis Griguer, sera à n’en pas douter un point nodal du colloque d’Angkor. Nous avons également évoqué la pratique de la thérapie de Morita à Kyoto par notre rédacteur japonais, le Pr Shigeyoshi Okamoto dont j’avais fait la connaissance à Paris dans un congrès centré sur la phénoménologie. Le Pr Ka Sunbaunat souhaite qu’à la fin de nos travaux à Angkor/Siem Reap, soit annoncée la création d’une association « psychiatrie et bouddhisme ».Il ajoute qu’il serait pertinent d’inviter un bonze concerné par notre congrès. Il se propose d’en contacter un qui est actuellement aux États Unis mais qui ne parle pas le français. Il ferait donc sa communication en Khmer, les deux langues officielles du congrès étant la langue de la revue (le français) et la langue du Cambodge (le khmer).
Après ce très riche et très constructif entretien, je vais, sur la suggestion du Pr Ka Sunbaunat, dans le service de psychiatrie de l’hôpital « de l’amitié khmèro-soviétique », pour rencontrer deux psychiatres, les Prs Chak Thida et Pauv Bunthoeun. En projet, une rencontre recommandée par le Pr Ka Sunbaunat avec le Dr Thong Kimley, psychiatre qui maîtrise bien la langue française et qui exerce à Battambang, à moins de 200 Km de Siem Reap.
Au total, le comité cambodgien du congrès prend forme, avec la présidence du congrès par le Pr Ka Sunbaunat, Pr de psychiatrie, doyen de la faculté de médecine, directeur du programme national pour la santé mentale au ministère de la santé ; avec le partenariat du Pr Lim Keuky et de l’ONG de diabétologie avec Lorraine Fraser ; avec l’anthropologue du CNRS Anne Guillou et la directrice de l’antenne cambodgienne de l’ONG universitaire « Louvain Coopération au Développement », Chantal Dorf ; avec l’hôpital de Siem Reap et la clinique psychiatrique Peter C. Adelman. Un grand merci à toutes les personnalités qui ont accepté de s’investir dans le projet.
Jean Paul Bossuat à Siem Reap le 3 décembre 2011.