Repérage au Cambodge : carnet N°2
La revue Psy Cause a le projet d’organiser fin novembre / début décembre 2012 un congrès à Siem Reap (Angkor) au Cambodge, sur le thème de l’influence du bouddhisme en psychiatrie et dans les psychothérapies. En tant que directeur de la revue, j’effectue un repérage sur place : en voici le second carnet.
C’est avec l’aide du Pr Lim Keuky et de son assistante Lorraine Fraser, qu’il a été possible de progresser à Siem Reap. Ce Professeur de diabétologie a mis en place au Cambodge avec l’aide d’une ONG, l’Association Cambodgienne pour la prise en charge du Diabète, la totalité du dispositif de dépistage et de soin de cette pathologie très répandue dans le pays et dont le taux anormalement élevé serait lié aux conditions de famine qui ont prévalu chez les femmes enceintes durant la période des Khmers rouges et les années de guerre conduites par l’armée vietnamienne venue mettre fin aux massacres.
En photo ci dessus : le Pr Lim Keuky et son assistante Lorraine Fraser (une Écossaise) photographiés ce 9 novembre devant le centre de consultation de diabétologie à l’hôpital public de Siem Reap, qui tous les deux maîtrisent la langue française et sont d’une aide précieuse pour la préparation de notre projet de congrès. Le Pr Lim Keuky est intéressé par la psy qui joue un rôle non négligeable dans sa spécialité. Il accepte d’entrer dans le comité d’organisation du congrès, ce dont nous le remercions.
Surprise : juste à côté de ce centre, est édifié un lieu de consultations externes psychiatriques : la « Peter C. Alderman psychiatric out patient clinic ». Deux psychiatres y exercent la psychiatrie générale. Merci à Lorraine Fraser qui me fait ainsi découvrir l’existence de psychiatres à Siem Reap et me met en relation avec le Dr Vannara alors présent dans le cadre de sa consultation. Une réunion est prévue avec toute l’équipe d’ici deux semaines. Une revue Psy Cause est remise dans cette perspective. Le médecin directeur de l’hôpital, rencontré ensuite par l’intermédiaire du Pr Lim Keuky, nous donne son accord de principe, à confirmer par sa tutelle, pour la tenue de notre congrès dans son établissement.
Un point d’histoire : Peter C. Alderman qui a donné son nom à ce centre de consultations psychiatriques, était un jeune Américain mort à l’âge de 25 ans dans l’attentat du 11 septembre 2001 à New York. La mémoire de cette victime a été à l’origine de la création de la fondation américaine Peter C. Alderman pour secourir les victimes des attentats, du terrorisme et des massacres au niveau des séquelles psychiques. Cette fondation a financé et ouvert ce centre de consultations à Siem Reap en 2005. La nouvelle génération née de parents massacrés à la hauteur d’environ un tiers d’entre eux, marqués par un régime de terreur à partir de 1975, présente d’importantes séquelles psychologiques : les Khmers rouges encore.
Une visite s’est imposée, celle du musée « de la mine antipersonnel » à une vingtaine de kilomètres au nord de Siem Reap. Encore aujourd’hui, les mines mutilent au Cambodge. Le créateur de ce musée privé, Mr Aki Ra (dont les parents ont été tués par les Khmers rouges quand il avait 5 ans), est un spécialiste du déminage qui a dans un premier temps travaillé pour l’armée vietnamienne en lutte contre les Khmers rouges et ensuite comme employé du gouvernement cambodgien. Outre une allée de bombes américaines à hauteur d’homme et d’immenses tas de mines déterrées par ses soins, sont exposées dans ce musée de veilles photos atroces telles que celle ci-dessus. Ce musée parraine la prise en charge des enfants mutilés par les mines antipersonnel qu’ils peuvent considérer comme des jouets. En payant l’entrée, on contribue ainsi à une bonne cause. Nous ne serons pas étonnés de l’engagement de Mr Aki Ra en faveur du traité qui interdit l’usage des mines antipersonnel.
Derrière le « sourire énigmatique de Bouddha » de la nouvelle génération cambodgienne, il y a bien des souffrances.
Jean Paul Bossuat à Siem Reap le 9 novembre 2011