Rencontres au premier colloque franco-africain de santé mentale à Dakar (Volet 1)
En tant que Directeur de la revue Psy Cause, le Dr Jean Paul Bossuat est l’invité du Pr Mamadou Habib Thiam et de son équipe à ce colloque dont le thème est « Femme, culture et santé mentale » et qui se déroule du 9 au 11 mai 2016 au King Fahd Palace de Dakar. La partie française de ce colloque est pilotée par l’Hôpital Sainte Anne, la Dr Marie Odile Pérouse de Montclos, Chef du service de Psychologie et Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent (sixième secteur de psychiatrie infanto-juvénile à l’Hôpital Sainte Anne), présidant le comité scientifique. Le Pr Mamadou Habib Thiam, Chef du service de psychiatrie du CHNU de Fann – Dakar, Directeur de l’IREP (Institut de Recherche et d’Enseignement de Psychopathologie) à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, préside le comité d’organisation.
Dans l’argument du congrès, il écrit : « Nos sociétés sont constamment soumises à des mutations socio-économiques, professionnelles et culturelles. Celles-ci s’accompagnent d’un changement dans les rôles et fonctions portés par chacun de ses membres. Ainsi, au fil des années, le statut de la femme a évolué dans le monde et particulièrement en Afrique. Contrairement à ce qui avait cours dans le passé, les femmes ne sont plus contraintes de rester dans les foyers. Elles aspirent à des études scolaires ou universitaires et à des professions impliquant de hautes responsabilités techniques, financières, administratives, étatiques. Elles sont ainsi amenées à s’absenter du foyer plus souvent que leurs mères et grand-mères. Elles sont soutenues dans cette promotion par certains Etats avec, entre autres, la mise en place de lois sur la parité. Par conséquent, l’évolution des sociétés s’accompagne également d’une modification de l’environnement social. Les repères changent, les rites et traditions sont bouleversés. Les familles élargies, du fait d’une certaine atomisation, disparaissent progressivement. L’individualisme a tendance à primer sur la solidarité du groupe d’antan. Ainsi, les femmes et en l’occurrence celles qui travaillent se retrouvent souvent seules à affronter une double contrainte : obligation de gérer convenablement leur foyer d’une part et de répondre à des impératif professionnels d’autre part (…). »
Le confortable Hôtel Marie Lucienne, situé à deux pas du service de psychiatrie de l’hôpital universitaire de Fann, loge des personnalités africaines invitées par le Pr Thiam ainsi que le directeur de la revue Psy Cause et sa femme. Ce qui est une excellente opportunité pour approfondir les liens avec les acteurs africains de Psy Cause et d’avancer dans la construction de projets. Sont en effet présents dans cet hôtel le Pr Arouna Ouédraogo (Burkina Faso), les Prs Dissa Koné et Jean Marie Yéo Ténéna (Côte d’Ivoire), le Pr Baba Koumaré (Mali), le Pr Samuel Mampunza (RD Congo), les Prs Josiane Ezin Houngbé, Grégoire Magloire Gansou et Francis Tognidé Tognon (Bénin).
Le soir du 8 mai, le Pr Thiam reçoit à dîner, chez lui, ses hôtes arrivés dans cet hôtel la veille de l’ouverture des travaux. Le directeur de la revue Psy Cause lui remet des exemplaires du numéro 69 Spécial Sénégal ainsi que le N°70 qui contient le « cahier japonais » et un hommage au Pr Mathieu Tognidé décédé soudainement en septembre dernier. Ce dernier a été l’inventeur de la vocation francophone africaine de notre revue. Dans la foulée du congrès Psy Cause à Parakou (Bénin) en 2008, il a procédé à la reconnaissance de la revue Psy Cause par le CAMES (Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur) et a convaincu la direction de la publication de procéder à une mutation : la revue, en 2011/2012, transforme son comité de rédaction en comité francophone international et cesse d’être une revue nationale acceptant des articles étrangers pour devenir une publication internationale. Le Président met en chantier à l’automne 2012, une transformation de l’association Psy Cause pour l’adapter au nouveau contexte.
Le Pr Thiam fait part au directeur de le revue Psy Cause, de sa satisfaction quant à la réalisation du numéro Spécial Sénégal qui, par ailleurs, a concrétisé le passage à la couleur, et de son projet d’un second numéro, dans les mois à venir, sur les mêmes bases.
Le matin du 9 mai, l’hôtel Marie Lucienne compte de nouveaux invités du Pr Thiam (photo ci contre) arrivés dans la nuit. Au total, le directeur de la revue Psy Cause pourra échanger sur les trois jours, à propos de perspectives d’avenir en Côte d’Ivoire, en RD Congo et au Bénin (outre bien entendu au Sénégal).
C’est ainsi que les Prs Drissa Koné et Jean Marie Yéo Ténéna ont fait le point sur le partenariat de Psy Cause avec la Société Africaine de Santé Mentale dans la perspective du second congrès qui se déroulera en mars 2017 à Yamoussoukro. Un atelier Psy Cause sera inclus dans cette manifestation scientifique, ouvert aux acteurs africains de Psy Cause, en collaboration avec les diverses sections nationales africaines de Psy Cause International.
L’après midi du 9 mai est consacrée à la séance d’ouverture du colloque franco-africain.
Elle s’articule en une conférence introductive suivie de la cérémonie d’ouverture. Un cocktail conclut cette première phase du colloque qui déroulera les travaux scientifiques sur les journées du 10 et du 11 mai.
En présence du Pr Mamadou Habib Thiam et de la Dr Marie Odile Pérouse de Montclos, la conférence introductive est donnée par le Pr Abdoulaye Elimane Kane, philosophe, ministre à plusieurs reprises, qui fut directeur de la célèbre revue de psychopathologie africaine. Il introduit son propos par ces mots : « Professeur de philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop (à la retraite), ami de la Société de Psychopathologie et d’Hygiène mentale de Dakar et de la revue « Psychopathologie africaine », il m’a semblé sage et judicieux de répondre à cette invitation en fondant ma communication sur ce que le regard et l’histoire de la philosophie en fournissent comme bases de réflexion. » Il s’interroge notamment : « comment les différents savoirs sur l’homme – la psychiatrie notamment – peuvent-ils aider à construire un humanisme du XXIème siècle sachant concilier le principe d’une pluralité d’identités et le principe d’une unité de l’espèce humaine ? »
Le Dr Luc Faucher, psychiatre et psychanalyste, chef de service au Centre Hospitalier Sainte Anne, interroge le concept d’hétérogénéité de la pensée : « est-ce que l’homme souffre différemment de la femme, est-ce que la souffrance d’un être humain appartenant à une culture est différente de celle d’un être humain appartenant à une autre culture ? »
Le Pr Baba Koumaré (Bamako, Mali) reprend cette question sous l’angle de la dyade souffrance/jouissance. Il attire notre attention sur le secret : « chez nous, en Afrique, la personne qui peut s’attaquer le plus facilement au secret est la femme. Elle accède ainsi à la clé du pouvoir et de l’avoir. » Il conclut : « le jour où les femmes se soulèveront, le pouvoir des hommes tombera. » Et il cite un proverbe africain : « le drapeau des hommes flotte le jour tandis que le drapeau des femmes flotte la nuit. »
Le Pr Samuel Mampunza (Kinshasa, RD Congo) salue l’initiative d’inviter pour la conférence introductive, « un philosophe dans un aréopage de psychiatres. »
Cette séance d’ouverture a également été l’occasion de parler de « l’école de Dakar ». Le Dr Paul Martino évoque ses nombreuses années aux côtés du Pr Henri Collomb à l’hôpital de Fann : « ce fut un creuset pour mon cheminement personnel. » Creuset qui l’a conduit à se tourner vers la psychanalyse.
Le cocktail de fin d’après midi a permis une longue discussion entre la délégation béninoise venue au colloque, et le directeur de la revue Psy Cause. Cette délégation, composée des Prs Josiane Ezin Houngbé (Cotonou), Grégoire Magloire Gansou (Cotonou) et Francis Tognidé Tognon (Parakou), évoque la publication d’un numéro Spécial Bénin en lien, en particulier, avec les communications lors du premier congrès de santé mentale de Cotonou, du 22 au 24 novembre 2016 au Palais des Congrès. Le directeur de la revue Psy Cause donne son accord sur la base des mêmes principes que pour le numéro Spécial Sénégal.
Ce congrès de santé mentale, qui a pour thème « Sexe, Culture et Maladie », est pluridisciplinaire avec divers spécialistes attendus : psychiatres, pédopsychiatres, médecins généralistes, psychologues, anthropologues, sociologues, infirmiers, assistants sociaux, tradithérapeutes, psychopédagogues, historiens. La revue Psy Cause apparaît être un outil de publication pertinent pour rendre compte d’une telle manifestation scientifique qui articule au niveau du soin des champs de compétence complémentaires.
La délégation béninoise insiste pour la venue du directeur de la revue Psy Cause à ce congrès. Ce serait bien évidemment poser un acte symbolique important que de revenir au Bénin huit années après le congrès Psy Cause de Parakou où la vocation francophone de notre revue a commencé. Dans l’impossibilité de s’engager ce jour quant à cette invitation, le Dr Jean Paul Bossuat laisse néanmoins ouverte l’éventualité de sa venue.
À suivre…
Jean Paul Bossuat