Psy Cause en Guyane (carnet N°1)
Un projet de colloque Psy Cause à Saint Laurent de Maroni motive la venue en terre guyanaise du président et de la responsable du marketing de Psy Cause International à compter du 1° mars 2016. Après une nuit d’escale dans la préfecture de la Guyane, Cayenne, Place des Palmistes dans un monument historique nous parcourons sur la Nationale 1 construite jadis par les bagnards, les 260 kilomètres qui nous séparent de Saint Laurent du Maroni située à l’ouest du département en bordure du fleuve frontière avec le Suriname (l’ancienne Guyane Hollandaise).
Ci-contre : l’Hôtel des Palmistes, monument historique situé en bordure de la Place des Palmistes.
Ci-contre, une vue de la route nationale N°1 à une quarantaine de kilomètres de Saint Laurent du Maroni.
C’est un ancien cadre de Psy Cause, Mr Pascal Schindelholz, lequel avait été très impliqué dans l’organisation de notre congrès à Tahiti en 2006, cadre de santé en pédopsychiatrie à Saint Laurent du Maroni, qui a attiré notre attention sur la pertinence de mettre en lumière des pratiques soignantes originales de l’Ouest Guyanais. La Dr Linette Tédongmo, médecin chef du pôle de psychiatrie, a accepté de s’investir dans ce projet. Tandis que Mme Isabelle Morel, cadre de santé du pôle de psychiatrie, coordonne avec Mr Pascal Schindelholz le travail de repérage.
C’est à la suite de la guerre civile qui a ravagé le Surinam voisin de 1988 à 1992, entrainé des problèmes migratoires et des trafics de drogue préoccupants dans les zones frontalières de la Guyane, qu’un arrêté préfectoral a créé le secteur de psychiatrie 98G03 centré sur l’hôpital de Saint Laurent du Maroni et desservant la rive orientale du Maroni, en 1996. La population de ce secteur double entre 2006 et 2010, passant de 50 000 à 100 000 habitants (population totale de la Guyane en 2013 = 250 000 habitants dont 38% d’étrangers). Cette population est constituée d’une multitude d’ethnies, de cultures et de langues : créoles, noirs marrons (descendants d’esclaves évadés), amérindiens, surinamiens, chinois, hmongs, haïtiens, brésiliens, métropolitains… Les premières unités d’hospitalisation ouvrent en novembre 2011. Le pôle de psychiatrie (psychiatrie adulte et pédopsychiatrie) est créé en 2013. Deux centres de « missions sur le Haut Maroni » sont établis à Grand Santi et à Maripasoula, tandis que des « missions terrestres » sont établies à Iracoubo, Mana, Awala, Javouhey, Apatou. En octobre 2014, le pôle de psychiatrie réussit sa certification V2010, et le second médecin chef de pôle, la Dr Linette Tédongmo, est nommé. Le pôle est constitué de deux services et de cinq UF, à savoir le service de Psychiatrie adulte (3 UF = Hospitalisation à Temps Complet Adulte, Hôpital De Jour Adulte, CMP) et le service de Pédopsychiatrie (2 UF = Hôpital De Jour Enfant, CMPI avec CATTP). En novembre 2015, le CMP/CMPI de Maripasoula est ouvert avec sa pirogue de secteur. En 2016, s’établit une permanence des consultations sur Grand Santi avec en ligne de mire la création en cet endroit d’un second CMP/CMPI sur le Haut Maroni. Ce lieu sera l’objet de notre déplacement en début de semaine prochaine.
Sur ce territoire de l’Ouest Guyane, hormis la route côtière de l’océan, les communications se font par pirogue ou par de petits avions le long du Maroni (un fleuve de 500 km). La ville de Saint Laurent du Maroni regroupe une population de 38 000 habitants. Elle est la seconde ville de la Guyane après Cayenne (75 000 habitants) située à 260 km. Le centre historique est habité par les fantômes des bagnards et de leurs gardiens guère mieux lotis en terme de mortalité face au paludisme et à la fièvre jaune, par le livre de Papillon et des récits d’atrocités. (Nous reviendrons dessus lors du récit de notre visite du bagne).
Le 3 mars, nous visitons les unités d’hospitalisation du pôle de psychiatrie situées en bordure du centre historique de Saint Laurent du Maroni (demeuré tel qu’il était à l’époque du bagne) et frontalier du vaste chantier de construction du nouveau Centre Hospitalier de l’Ouest Guyane, dans le Site des Sables Blancs. Le Dr Algossimo Diallo, psychiatre référent de l’unité d’hospitalisation à temps complet adulte (HTCA) nous accueille devant l’entrée des locaux du Site des Sables Blancs. Il nous introduit dans la salle de réunion en présence du cadre de la psychiatrie adulte Mr François Horatius.
L’HTCA dispose de 17 lits et d’une chambre d’isolement. Deux psychiatres y interviennent ainsi qu’une équipe paramédicale de 10 infirmiers, 8 aides soignants, 1 AMP et 4 ASH. Le Dr Algossimo Diallo nous explique que nous sommes dans le secteur « Ouest Guyane », l’un des deux secteurs du département, l’autre étant le secteur « Est Guyane » basé dans le service de psychiatrie Cayenne/Kourou. Les admissions ont trois origines : le CMP, les urgences du Centre Hospitalier et les indications posées « sur le fleuve », c’est à dire sur le Haut Maroni. On retrouve toute la palette des diagnostics psychiatriques, principalement les psychoses chroniques, l’alcoolisme, les tentatives de suicide et dépressions, parfois des problématiques sociales liées à la précarité.
La durée de l’hospitalisation est brève avec des séjours qui excèdent rarement les quatorze jours et ne concernent que des hospitalisations libres. À leur sortie, les patients sont adressés au CMP, au médecin qui intervient sur le Haut Maroni et bénéficient d’un accompagnement paramédical. L’orientation peut s’effectuer également vers l’Hôpital de Jour. Nous visitons les locaux de l’HTCA, spacieux et aérés, dans lesquels se déroulent diverses activités au service de la dynamique soignante. Nous avons pu ainsi être présents lors d’une activité cuisine.
Au même moment, un petit groupe convivial se réunit autour d’une table dans un espace lumineux le long de baies vitrées. Nous visitons une salle de sports, une vaste cour extérieure et un terrain attenant destiné à la création d’un potager. Compte tenu du faible nombre de lits et des moyens en personnel disponibles, nous ne pouvons que saluer la performance.
Notre découverte des unités d’hospitalisation adulte s’achève par l’Hôpital de Jour positionné à l’intérieur de l’HTCA, ce qui, nous confie le Dr Algossimo Diallo, oblige à pratiquer un maximum d’activités en dehors de l’hôpital. Obligation bien utile pour ouvrir les soins sur la cité. Cette structure comporte une équipe de 4 infirmiers, un mi temps d’éducateur sportif, un éducateur spécialisé, pour une quinzaine de patients. S’ajoutent des moyens communs à l’hospitalisation : médicaux, un cadre de santé, un psychologue, une assistante sociale, une secrétaire médicale et un logisticien. Nous visitons la salle d’activité spécifique à l’HDJ, joliment décorée qui accorde une large place à la dimension artistique. Ce qui nous permet d’évoquer la dimension de la créativité qui est le thème de notre colloque de Rochegude cette année.
Nous rejoignons Mr Pascal Schindelholz dans l’autre aile du pôle, consacrée à l’hospitalisation de jour en pédopsychiatrie. Cette dernière dispose de quinze places. L’équipe est constituée globalement, pour l’ensemble du service de pédopsychiatrie, d’une vingtaine de professionnels. Tout au long de ces visites dans les locaux du Site des Sables Blancs, la revue Psy Cause est présentée et expliquée. Des exemplaires sont mis à la disposition des équipes. La proposition d’un colloque Psy Cause à Saint Laurent du Maroni rencontre un accueil très positif.
Jean Paul Bossuat
Très interessant et très documenté.Merci beaucoup^.