Psy Cause dans l’Océan Indien : carnet N°1

Lors de l’Assemblée Générale du 20 septembre 2012, il fut décidé de créer une structure décentralisée « Psy Cause – Océan Indien ». Il s’agissait alors « de regrouper des îles appartenant à une même aire géographique, qui ont en commun l’usage de la langue française : les Seychelles, Mayotte, la Réunion, Maurice. » Entre temps, en 2013, le contexte n’a pas été favorable à la réalisation de cet objectif. Mais ce serait mal connaitre la philosophie de l’équipe de Psy Cause, qu’un projet arrêté en AG ne puisse avoir de suite.

En ce début janvier 2014, le directeur de la revue et président de Psy Cause International est dans l’île de Mayotte. Dans le cadre d’un voyage privé qui est l’occasion de rencontrer des professionnels mahorais avec l’objectif de mettre en place en ce lieu un réseau Psy Cause.

Pourquoi l’île de Mayotte ? Située entre le Mozambique et Madagascar, cette île appartient géographiquement à l’archipel des Comores. Occupée par la France depuis 1841, elle est une colonie française jusqu’en 1947. À cette date, les quatre îles des Comores obtiennent un statut d’autonomie et forment un Territoire français d’outre mer à partir de 1958. En 1972, des négociations sont ouvertes en vue de l’indépendance du Territoire. Le président comorien proclame l’indépendance en 1975, de suite reconnue par l’ONU. C’est alors que l’île de Mayotte entre en dissidence pour demeurer française. En 1976, la France y organise un referendum au cours duquel Mayotte refuse l’indépendance avec 90% des voix. Contre l’avis de l’ONU et de l’Union Africaine qui menacent, la France accorde un statut prudent de Collectivité Territoriale, au départ pour 5 ans, et installe une garnison composée de troupes de la légion étrangère et de l’infanterie de marine pour protéger les Mahorais contre les menaces d’intervention militaire du président des Comores. La France déclare « protéger les populations qui ont librement choisi de vivre avec elle, sans discrimination de religions et de familles, de richesses sociales et de couleurs de corps. » En 1976 le conseil de sécurité de l’ONU rejette par le véto français seulement la demande de rattachement de Mayotte aux Comores. Parallèlement les Mahorais revendiquent le statut de département français. Ils ne l’obtiendront, après 35 ans de combat, qu’en 2011. Département français peuplé de 213000 habitants pratiquant très majoritairement un islam très tolérant, cette île occupe une place à part dans la francophonie.

Mayotte est un petit archipel volcanique de 374 km². Soit une trentaine de kilomètres de long sur 10 à 15 kilomètres de large. Cet archipel comprend deux îles principales et une trentaine de petits îlots parsemés dans un lagon étendu sur plus de 1 500 km². Mayotte est donc totalement encerclée par une barrière de corail, avec une faune marine très recherchée des plongeurs. L’île principale, « Grande-Terre », découpée et pentue, est formée de 6 massifs érodés dont le point culminant est le Mont Bénara (660 m). L’îlot de Pamandzi et le rocher de Dzaoudzi, reliés par une digue appelée le Boulevard des Crabes, constituent « Petite-Terre ». Le chef-lieu administratif est situé à Dzaoudzi, mais l’activité économique est concentrée autour de Mamoudzou, en Grande-Terre. Petite-Terre et Mamoudzou sont les zones les plus urbanisées. Les Comores sont d’origine volcanique et Mayotte est la plus ancienne île de l’archipel. Les côtes, très découpées, forment des caps, des presqu’îles, des baies profondes bordées de mangroves. C’est la forme particulière de l’île qui lui a valu le surnom ” d’île hippocampe “.

Les avantages de la situation géographique de Mayotte sont en premier lieu un avantage sécuritaire : être hors de portée des pirates somaliens qui ont mis à mal l’économie basée sur le tourismes aux Seychelles, et en second lieu d’être hors de portée des cyclones qui se brisent sur Madagascar. Il y a un inconvénient, la misère des populations voisines des Comores, source d’immigration clandestine et de délinquance. Il convient donc d’être vigilant contre le vol lorsque l’on visite Mayotte.

La population mahoraise bénéficie d’un niveau de vie en rapport avec le statut de département français mais la population clandestine, c’est le tiers monde. Si l’on parle de niveau de vie, les fonctionnaires français bénéficient d’avantages considérables. Les enseignants viennent en nombre avec un salaire quasiment doublé, quant aux praticiens hospitaliers, ils ont une prime de 40%. Si la nourriture est chère car importée, le logement ne l’est pas : on peut trouver de jolies maisons à louer avec vue mer pour 500 € par mois.

Notre premier contact avec cette île a été des plus agréables : un hôtel situé sur une petite falaise qui surplombe la plage au bord de laquelle, en ce premier janvier, jour férié, les autochtones mahorais mélangés avec les fonctionnaires français, sans barrière sociale, piqueniquent ensemble sous les baobabs et les cocotiers en bordure de mer. Certains ayant leur catamaran et d’autres leur canoë. La nature luxuriante de cette île est un mélange de ce que l’on trouve aux Antilles et en Afrique Subsaharienne.

Cette première journée de l’année, vécue dans cette île de Mayotte, nous a permis donc une première saisie d’une image d’un lieu véritablement avenant, tant sur le plan des paysages que de sa population.

Le lendemain 2 janvier, après le week-end de fête au cours duquel l’hôtel a bien entendu organisée une nuit blanche dansante, nous prenons la route bordée de bambouseraies, de champs de bananiers et de toutes sortes d’arbres africains parfois fleuris, en direction de la ville principale (Mamoudzou) et de son pittoresque petit port, lieu d’arrivée de « la barge » en provenance de Petite Terre et où sont organisées des excursions en bateau (sans le moindre risque de piraterie, comme déjà dit plus haut).

Avec un peu plus de 55000 habitants, Mamoudzou regroupe à elle seule près du quart de la population de l’ïle. Véritables centre économique mais non le chef lieu du département qui est en face dans la Petite Terre, elle regroupe banques et grandes surfaces commerciales. Si l’on ajoute Petite Terre (où se trouve également l’aéroport), plus de la moitié de la population est concentrée dans le nord-est de Mayotte. Cette particularité permet, malgré une forte densité globale de peuplement, de préserver dans les parties sud et occidentale de Mayotte, des espaces naturels sauvages.

Nous n’aurions pas pu achever cette journée dans Mamoudzou sans une rencontre dans l’unité d’hospitalisation du service de psychiatrie (d’une capacité de 12 lits) de l’hôpital principal tout récent (hôpital inauguré en 2008), dans l’attente, en ce début de séjour, d’un rendez vous avec un psychiatre de cette unité. Cet établissement de soins, situé dans les hauteurs de la ville de Mamoudzou, dispose d’une architecture originale et adaptée au contexte mahorais avec ses longues toitures et ses passerelles couvertes en bois reliant des immeubles aux façades blanches.

Jean Paul Bossuat