Psy Cause Côte d’Ivoire : les thèmes de recherche proposés à la publication dans la revue
La Côte d’Ivoire est en 2013 le principal partenaire de la revue Psy Cause en Afrique Subsaharienne. Ses 24 abonnés et de très nombreux articles proposés à la revue témoignent d’un engagement fort. Cet engagement est piloté par deux professeurs de psychiatrie : le Pr Drissa Koné qui avait présenté la revue Psy Cause à la Société de Psychiatrie de la Côte d’Ivoire en tant que Président, en février 2011, et adhérait à l’association Psy Cause ; et le Pr Y. Jean Marie Yéo Ténéna qui faisait de même très rapidement. À l’automne 2012, lorsque les statuts furent révisés, ils entrèrent tous les deux au Conseil d’Administration de Psy Cause International qui leur reconnaissait l’existence d’une section Psy Cause Côte d’Ivoire constituée d’eux mêmes et des « amis de Psy Cause » au sein de la Société de Psychiatrie de la Côte d’Ivoire.
Début 2013, ils confirmaient leur attachement à Psy Cause et leur élection au Conseil d’Administration fut renouvelée en AG. Début 2013, le nombre des abonnés ivoiriens passait de 13 à 24. Le travail d’écriture et de recherche pour publication dans la revue Psy Cause s’est accru, en particulier avec une importante implication du Pr Y. Jean Marie Yéo Ténéna. Psy Cause Côte d’Ivoire, malgré une structuration peu formalisée, est vivante et dynamique, et mérite d’être présentée sur le site au travers des articles actuellement proposés par des auteurs ivoiriens à la publication dans les numéros à venir. Rappelons que le Pr Y. Jean Marie Yéo Ténéna, est depuis le printemps de cette année secrétaire de rédaction à l’Afrique Subsaharienne.
Article N°1. Nous commençons par un texte qui avait été accepté dans le N°63 mais reporté faute de place lors du montage final, sur le critère qu’il n’était pas un article stricto sensu de psychiatrie. Il relèverait plutôt de l’anthropologie médicale qui a sa place dans Psy Cause, en particulier au Cameroun. Il est aussi représentatif de la liberté de ton dans ce pays : n’oublions pas l’article sur l’homosexualité en Côte d’Ivoire qui ne manquait pas de courage lorsque l’on sait qu’encore aujourd’hui, plusieurs pays d’Afrique Subsaharienne condamnent les auteurs de cette pratique sexuelle à des peines de prison. Ici, c’est à lui même que le corps médical exerce son esprit critique dans un article intitulé : « Description du comportement de santé des médecins du CHU de Treichville ». L’auteur principal, le Pr Y. Jean Marie Yéo Ténéna, a coordonné une étude auprès de 120 médecins de cet hôpital universitaire d’Abidjan choisis de façon aléatoire, étude qui met en évidence que ces professionnels de la santé ne s’appliquent guère à eux mêmes la discipline qu’ils recommandent à leurs patients. Ce texte recommande une action de santé publique … auprès des médecins du CHU.
Article N°2. Ce texte, dont l’auteur principal est également le Pr Y. Jean Marie Yéo Ténéna, est intitulé : « Problématique de l’insertion de la santé mentale dans les soins de santé primaire en Côte d’Ivoire : à propos de 103 patients admis en hospitalisation à Bingerville », envoyé par courriel le 4 septembre 2013. Le Pr Y. Jean Marie Yéo Ténéna nous écrit à son sujet : « nous accordons une attention particulière à cette étude. » Cet établissement est le grand hôpital psychiatrique de la Côte d’Ivoire, située dans une ville de la banlieue d’Abidjan, Bingerville, qui fut la capitale de ce pays alors colonie française de 1900 à 1934. L’hôpital psychiatrique de Bingerville est relativement récent puisqu’il a été ouvert en 1963. L’étude, principalement basée sur le registre du bureau des entrées de l’établissement, a porté sur une durée de deux mois, du 1° juillet au 31 août 2008. Elle interroge le rôle des structures de proximité par rapport à l’hôpital dans le parcours des patients. L’enjeu est de mieux adapter la place de l’extrahospitalier par rapport à l’intra : un débat bien connu en France et qui apparaît au cœur des préoccupations à Bingerville. Notre revue devra donc entendre cette demande de priorisation pour une parution dès le N°65. Numéro qui nous conduira donc au CHU d’Abidjan où il y a une petite structure de psychiatrie, et à l’HP de Bingerville.
L’équipe dirigeante de la revue Psy Cause est consciente de ses responsabilités car la publication n’est jamais neutre. Un écrit à des effets sur le terrain. Dans ses débuts, par exemple, alors qu’elle avait une diffusion locale, la revue avait valorisé le travail d’une unité de soins menacée qui fut ainsi pérennisée pendant plus d’une dizaine d’années. Devenue internationale, Psy Cause a élargi le champ de son implication mais le principe reste le même. Dans les critères de priorisation d’un article, il y a la dimension scientifique mais aussi, en plus, les enjeux institutionnels. C’est pourquoi nous devons être à l’écoute de nos rédacteurs qui sont sur le terrain.
Article N°3. Ce texte est également très important car il est en prise avec l’actualité récente, il est intitulé : « Le médecin généraliste face à la problématique du psychotraumatisme à Abidjan ». Il s’agit du troisième article piloté par le Pr Yessonguilana Jean Marie Yéo-Ténéna. Il précise en introduction : « Empreinte indélébile d’un événement traumatique potentiellement mortifère, le psychotraumatisme constitue un problème majeur de santé publique par la fréquence et l’importance de ses conséquences économiques, sociales et sanitaires. L’intérêt actuel suscité par les troubles psychotraumatiques est lié à la fréquence et aux conséquences psychiques des conflits armés, des attentats terroristes, des catastrophes, mais aussi aux agressions individuelles et aux accidents de la voie publique. » Ce travail est basé sur une enquête réalisée auprès des médecins généralistes du 1° mars au 31 août 2012 dans la commune d’Abodo dans la banlieue d’Abidjan. De façon diplomatique, cet article n’évoque pas explicitement la guerre civile qui a traumatisé des populations de la Côte d’Ivoire jusqu’à mai 2011, en particulier la commune d’Abodo où se déroulèrent, au début de l’année 2011, de violents affrontements. Il pose en tout cas la nécessité d’une formation des médecins généralistes face à cette pathologie.
Article N°4. Il s’agit d’un autre travail statistique réalisé à l’HP de Bingerville intitulé : « Étude monographique du délai de la demande de soins chez les patients schizophrènes à l’Hôpital Psychiatrique de Bingerville », qui s’inscrit dans un registre proche de l’article N°2, également pilotée par le Pr Yessonguilana Jean Marie Yéo-Ténéna.
Articles N°5 et N°6. Deux articles traitent du tandem VIH et psy. Le premier article, piloté par le Dr Ekissi Orsot Tetchi, assistant à l’Institut National de Santé Publique, traite du dépistage et nous amène dans le centre du pays à Bouaké, plus précisément dans le Centre de Conseil et de Dépistage Volontaire (CDV) du CHU de cette ville. Il s’agit d’une étude réalisée en 2010 qui a démontré le travail réalisé afin de réduire les pratiques sexuelles à risque des séropositifs (« Le conseil de dépistage volontaire du VIH améliore t’il les pratiques sexuelles des séropositifs ? »). Le second article sur le même thème, piloté par le Pr Yessonguilana Jean Marie Yéo-Ténéna, est le résultat d’une étude réalisée dans l’unité de prise en charge des personnes vivant avec le VIH du service de pneumophtisiologie du CHU de Treichville d’avril à octobre 2012 : « Psychologie autour du VIH : à propos de 42 couples sérodifférents ». Les auteurs rappellent en introduction : « La pandémie du VIH/sida est un problème majeur de santé publique touchant toute l’Afrique de l’Ouest en général mais en particulier la Côte d’Ivoire avec un taux de prévalence stable estimé à 7% pour la population adulte selon le rapport conjoint des Nations Unies sur le VIH/sida (2011). Ce constat soulève une préoccupation majeure au sein des couples sérodifférents qui en plus des autres préoccupations courantes (questions financières, travaux ménagers, éducation des enfants, projets de vie commun…) doivent faire face à la question de la souffrance organique et psychologique du conjoint. »
Articles N°7 et N°8. Deux textes proposés à la publication dans la revue Psy Cause traitent des problèmes de l’adolescence. Le premier sous l’angle de la consommation de drogue et le second sous l’angle de la violence. Ces deux articles ont pour auteur principal, un psychologue. Le Dr Konéman Denis Dagou est psychologue clinicien, enseignant-chercheur dans le département de psychologie de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan-Cocody. Il nous propose un texte intitulé : « Consommation de drogue chez l’adolescent et réactions parentales : le cas Pierre ». Il insiste sur le rôle parental : « Pour que l’adolescent puisse totalement décrocher, il faudrait qu’il soit reconnu par son père, comme une personne qui, en plus des besoins cognitifs, a aussi des besoins sociaux, affectifs et idéologiques. »
Un autre universitaire de ce même département de psychologie où il est maître de conférence agrégé, le Dr Konan Simon Kouamé, nous propose un article intitulé : « Effets des violences subies et de l’estime de soi sur les comportements à risque chez les adolescents à Abidjan ». Il s’intéresse tout particulièrement aux violences culturelles génératrices de traumatismes : « Dans le milieu traditionnel, surtout africain, les enfants sont également victimes de violences liées aux pratiques traditionnelles telles que la violence sexuelle, le mariage précoce, la scarification, les mutilations génitales féminines, les excisions des hommes, les rites initiatiques violents et les privations de toutes sortes. » Sa recherche établit un lien avec des comportements ultérieurs à l’adolescence : « Les comportements à risque adoptés par cette frange de la population se traduisent entre autres par les vols, viols, attaques à mains armées, braquages, cambriolages, meurtres, ventes et/ou consommation de drogues et stupéfiants. Ces actes qualifiés par Einaudi d’actes déviants connaissent une croissance significative chez les adolescents et conduisent chaque jour plusieurs auteurs dans les geôles de la police et des institutions carcérales. »
Article N°9. Il semble que ce soit une constante que la prise en charge des diabétiques concerne les psy. Souvenons nous du rôle essentiel joué au Cambodge par le diabétologue Lim Keuky dans la genèse du congrès de Siem Reap. Citons l’engagement actuel de Psy Cause Cameroun dans le dépistage de cette maladie et le soutien aux malades (à lire sur le site). Ici, c’est le Dr Adou Pascal Gnamba, Maître assistant dans de département de psychologie de l’Université Houphouët Boigny, qui nous propose un travail intitulé : « Représentation de la maladie et adhérence thérapeutique chez les personnes diabétiques en Côte d’Ivoire ». L’auteur expose que seule la compréhension de la maladie entraine une bonne observance du traitement. Et ce travail concerne le psychologue. Une belle illustration de ce qui vient d’être entrepris en novembre dernier à Yaoundé par l’équipe pluridisciplinaire de Psy Cause Cameroun !
Article N°10. Un chercheur de ce même département de psychologie de l’Université Houphouët Boigny, le Dr Assandé Gilbert N’Guessan, Maître assistant, nous propose un sujet à la frontière de la psychologie et de l’anthropologie : « Familiarité avec le jeu d’Awélé, genre, et modes d’apprentissage du jeu ». Il nous explique dans son introduction : « L’awèlé est un jeu de stratégies typiquement africain. Comme activité ludique, l’awèlé est un jeu très fascinant. C’est un jeu de compétition intellectuelle mettant en confrontation deux joueurs dont les intérêts sont antagonistes. C’est un jeu réglé, à information complète, qui comme les échecs, le jeu de dames, le backgamon, place les joueurs dans une situation où chacun, à tour de rôle, doit prendre une décision sans connaître celle que prendra ensuite l’adversaire. L’awèlé est aussi un jeu qui implique différents types d’interactions: interactions entre les deux joueurs en présence, interactions entre les joueurs et les spectateurs, etc. À notre connaissance, c’est le seul jeu au monde où au cours de la partie, l’appartenance des pions à un joueur n’est jamais définitive. En effet, au cours du jeu, les graines circulent constamment d’une rangée à l’autre jusqu’à la fin de la partie. L’awèlé se pratique sur tout le continent africain, en Amérique Latine, et en Asie. Selon les régions, on trouve des noms très différents: Mankala, palankuli, awalé, alé, wari, solo, etc. Leur particularité commune est de se jouer avec des graines qui sont placées dans des cases creusées dans un morceau de bois (tablier). Ces cases portent des noms différents: pots, cupules, cavités, etc. Quelle que soit la variante considérée, le but du jeu est de vaincre l’adversaire en récoltant (capturant) plus de la moitié des graines mises en jeu au début d’une même partie selon les règles portant sur la répartition numérique des graines dans les cases. Dans la variante que nous avons étudiée, le jeu se joue à deux, avec au départ, 48 graines réparties dans un tablier composé de deux rangées de six cases chacune. Chaque case contient quatre graines au début de la partie. Sur le plan scientifique, l’étude de l’awèlé en tant que tâche est une excellente situation pour aborder certaines questions liées à la recherche interculturelle, ainsi qu’à la psychologie cognitive. »
Articles N°11 et N°12. Deux textes proposés à la publication dans la revue Psy Cause traitent de la dépression. Mr Raymond Kouadio N’guessan est doctorant en bioanthropologie à l’Institut des Sciences Anthropologiques de Développement de l’Université Félix Houphouët-Boigny. Il est l’auteur principal d’un article intitulé : « Facteurs culturels associés aux évènements de vie dans le déterminisme des dépressions diagnostiquées et traitées en milieu psychiatrique à Abidjan ». Son travail est un exemple de collaboration pluridisplinaire entre l’anthropologie et la psychiatrie. Il écrit : « Conduite suivant les méthodes d’observation documentaire et d’entretien semi-structuré, l’étude a permis de relever plusieurs déterminants de la culture qui sont impliqués dans la survenue et l’évolution des troubles dépressifs diagnostiqués. Ces considérations culturelles dont «le fait d’être femme au foyer, la conception allusive de la mort, le principe de la procréation, les stéréotypes sociaux, la croyance à la sorcellerie et au fétichisme, les conceptions ritualistes dans la vie religieuse,… » sont associées aux évènements de vie dans la prédisposition à la dépression et surtout dans sa précipitation et sa perpétuation. »
La Dr Lawrence Yapi, psychologue clinicienne, enseignant-chercheur dans le département de psychologie de l’Université Houphouët Boigny, propose un article intitulé : « Du normal dans le pathologique : le cas de la dépression. » Elle écrit : « La prévalence de la dépression est telle que l’on peut imaginer qu’un individu la rencontrera, sous une forme ou une autre, au moins une fois dans son existence. Polymorphe et polysémique, la dépression s’offre autant comme un mouvement d’humeur passager que comme une pathologie morbide. » Elle étudie la dialectique du normal et du pathologique dans la psychopathologie de la dépression. En quelque sorte, il y a du normal qui agit dans le pathologique et vice versa. Influencée par Kaës, elle nous présente une étude très originale.
Article N°13. Nous clôturons cette série d’articles proposés par des auteurs ivoiriens à la revue Psy Cause, avec un texte du Pr François Boroba N’douba, Directeur du département de psychologie de l’Université Houphouët Boigny, intitulé : « Différences individuelles dans le langage ». Il écrit : « Le 3e millénaire, dans lequel nous sommes entrés, est celui de la communication dans la mesure où nous sommes de plus en plus dans une situation qui banalise, voire supprime les distances et les barrières du fait de la transmission ultra rapide, sinon instantanée des informations. Or, cette transmission n’est possible que par le seul canal du langage, que celui-ci soit articulé, ou qu’il relève d’autres codes. La communication s’établit et se déroule parce qu’une personne transmet quelque chose à une autre personne. En communiquant, nous informons. Or, informer c’est doter un ensemble de phénomènes d’une forme, d’une structure ; c’est façonner ; c’est former. En un mot, informer c’est donner des connaissances. Dès lors l’information devient un élément de connaissance. Or, quand on a la connaissance, on détient une des clés pour s’imposer et se faire valoir dans le monde, c’est-à-dire devenir en quelque sorte universel. Mais la connaissance n’est pas détenue de façon démocratique, tant on observe, dans sa maîtrise et dans son contrôle, des différences de toutes sortes à travers le monde, au seins d’un même pays et, pire, entre les individus d’une même famille. Et nous voici au cœur du problème des différences individuelles. » Le présent travail qu’il nous présente, veut apprécier les processus à la base des variations dans l’acquisition et l’emploi du langage.
Au total : cet échantillonnage qui a pour base une recension des textes ivoiriens en demande de publication, brosse un panorama autant riche que varié de la dynamique rédactionnelle dans le cadre de Psy Cause Côte d’Ivoire. Bien entendu la numérotation des articles ici présentés a pour seul but la clarté de l’exposé et ne peut être assimilée à l’ordre de parution de ces textes.
Jean Paul Bossuat
je salut cette initiative elle d’autant plus important car elle participe non seulement a la sensibilisation mais aussi a la formation des patients comme des apprenants sur les troubles mentaux je suis etudiant en neuroscience à UFHB