Psy Cause Cameroun à Pointe-Noire au Congo Brazzaville
Le mois d’octobre 2013 entre dans l’histoire du mouvement Psy Cause avec beaucoup de nouveautés. Pendant que le Congrès de Psy Cause International France se tenait au Canada, Psy Cause Cameroun se déployait sur le terrain à Pointe-Noire au Congo Brazzaville à travers son Coordonateur National le Dr Ndonko Peguy. En effet, sous l’invitation de l’Institut Français du Congo Pointe-Noire, l’anthropologue camerounais Peguy Ndonko a participé à une semaine de conférences, d’échanges, de rencontres, d’animations et de spectacles autour de l’enfance. L’Institut Français inaugurait ainsi le 20e anniversaire de la signature par le Congo de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.
Les travaux ont porté sur l’enfance en rapport avec la culture. Ainsi, Pierre Parlant à exposé sur l’enfance d’un point de vue philosophique. Eric Sprogis a essayé de montrer à travers l’art musical que la culture est un outil de construction de l’enfant. Le Professeur Boris Cyrulnik a travaillé sur le développement neuro-anthropologique de l’enfant tandis que Paul Macaire Ossou-Nguiet s’est déployé a expliquer le développement Neurologique et psychomoteur de l’enfant. Peguy Ndonko, quant à lui, a porté son regard sur l’enfance en péril et les enfants périlleux au Cameroun en rapport avec la sorcellerie. Daniel Mbassa Menick termine cette série par une étude sur l’impact de la culture dans la prise en charge de l’enfant en pratiques éducative, familiale et sociale.
Le Dr Peguy Ndonko va retrouver le Dr Jean Pierre Lamarck qui était déjà en service à la coopération française de Yaoundé au Cameroun. Ils vont discuter de l’anthropologie de la santé et d’une franche collaboration entre le Laboratoire Psy Cause Cameroun et les projets de santé en cours. La revue Psy Cause est pour lui un bon moyen de publication pour le public des chercheurs.
Ce 07 octobre 2013 à Pointe-Noire, la soirée commence par le mot de bienvenu du directeur adjoint de l’Institut Français, M. Franck Patillot. Il rappelle que la République du Congo a ratifié la convention sur les droits de l’enfant en 1993, mais que seuls les USA et la Somalie ne l’ont pas encore fait. L’enfant demeure selon lui un sujet mystérieux. On doit l’aborder aujourd’hui en montrant sa place des cultures dans le développement de celui-ci.
Le philosophe Pierre Parlant aborde la question de l’enfant sous l’angle philosophie et historique en montrant comment ce dernier est privé de ces droits les plus élémentaires. Pourtant, dans La République de Platon, l’enfant de la cité idéale, c’est aussi celui-là qui a droit à l’éducation. On doit alors reconnaître les valeurs identitaires et morales de ce dernier. L’enfant, c’est l’homme non fait, imparfait, sauvage. Saint Augustin aborde la question de l’enfant dans la sphère chrétienne ou religieuse. L’enfant est celui-là qui a la possibilité d’être racheté par le biais du baptême, car il est le fruit du crime originel. L’orateur dit qu’il préfère bien cette période de la vie par rapport à l’âge adulte où l’on commet le plus de monstruosités.
Eric Sprogis expose sur la culture comme outil de construction de l’enfant. Il dit que la notion de la culture a un sens relativement restrictif à savoir ce qui relève des expressions culturelles et même plus particulièrement les expressions artistiques. Ainsi, dans les démarches de « construction » de l’enfant, il relève plusieurs enjeux à savoir la nécessité qu’il découvre progressivement ses capacités d’expression personnelle et singulière et qu’il soit capable de les confronter avec celle des autres en les respectant. Il se pose donc la question de savoir qui est l’artiste de l’éducation de l’enfant et à partir de quel moment introduire l’art dans l’éducation d’un enfant ? Quelle est même la nature de la pensée musicale et comment apprendre à penser grâce à l’art ?
Boris Cyrulnik a exposé sur le développement neuro-anthropologique de l’enfant et pense que le développement neurologique d’un enfant se fait dans une famille et dans une culture. De plus, le développement cognitif est un processus dynamique et inter actif qui dure autant que la vie d’un individu dure. Les enfants subissent alors à la fois les pressions affectives et culturelles qui structurent le développement du cerveau. Ce développement peut être en proie à des tragédies culturelles, des catastrophes culturelles qui abîment le cerveau de l’enfant. Par ailleurs, les enfants acquièrent des attachements insécurisés à cause d’un malheur, de l’agressivité des parents, des violences conjugales. On distingue de ce fait deux types de parents : les parents maltraitants et les parents sécurisants. Quel type de parent sommes-nous ?
Boris Cyrulnik illustre le comportement de la mère face à son bébé dès la naissance en disant ceci : on pose la question à une maman qui vient d’accoucher après que son bébé lui soit présenté ; on lui demande comment elle trouve son bébé ? Autrement dit, quels sont les premiers mots que prononce une mère après son bébé ? Elle pousse un cri de soulagement : Oups ! Pour exprimer sa libération, son affranchissement quant à la charge (grossesse qu’elle porte depuis environ 9 mois). La deuxième phrase qu’elle prononce quand on lui présente son bébé c’est il est beau comme « Jésus » ? C’est un ange ? Si elle est chrétienne. Ce gémissement traduit l’état d’affection ou d’affectivité que la mère éprouve envers son enfant. La troisième phrase qu’elle prononce c’est : il ressemble à son père ? C’est la photo de mon grand-père ! La mère inscrit par ce fait l’enfant dans sa filiation. Contrairement à une mère qui ne connaît pas le père de l’enfant, qui a été violée ou dont l’enfant est issue d’une procréation médicalement assistée. A ce niveau la mère ne parle pas ou du moins parle dans sa pensée qu’elle n’extériorise pas.
Les histoires de vie négative de la mère ou du couple influencent ou abîment le développement psycho-affectif du bébé. De ce fait, l’enfant se développe dans une niche sensorielle structurée par les malheurs de la mère. Il faut noter aussi en passant que, la traduction joue un rôle majeur dans le développement de l’enfant parce que la culture par ses préjugés, ses prénotions, ses figures familières ou étrangères structurent les interactions qui participent au développement psychologique, neurologique et biologique de l’enfant.
Dans le débat qui s’ouvre entre le public et l’intervenant, la question de la résilience, concept si cher à la psychologie. L’orateur dit que la définition de ce concept contient les nuances en fonction du contexte, de la situation vécue ou de l’environnement culturel de l’individu. De ce fait, la résilience n’est plus seulement la capacité de résister au choc mais c’est aussi la capacité de se débarrasser de ce choc – de cataloguer les qualités – de reprise d’un nouveau développement après une agonie psychique ou traumatique. Pour lui finalement, la résilience est un processus, et pour l’analyser, il faut opérer sur trois temps : avant, pendant et après. Avant le trauma, comment était votre vie ? Pendant le trauma, qui vous a adressé ? Après le trauma, qui vous a soutenu ? Si au bout du compte, personne ne vous a soutenu, le traumatisme s’accentue et l’individu vit avec ce trauma.
Paul Macaire Ossou-Nguiet, dans son propos liminaire, dit que le cerveau humain est au centre du développement et de l’acquisition des fonctions motrices. À la naissance, un être humain possède le maximum du nombre de ses « neurones cérébraux », la qualité et l’abondance des connexions nerveuses conditionnent l’acquisition psychomotrice et que l’environnement a une action particulière sur ma maturation cérébrale. Pour Paul Macaire Ossou-Nguiet, le développement psychomoteur est un processus dynamique, différent selon l’âge de l’enfant. C’est ainsi qu’on distingue principalement : la naissance de 0 à 2 ans, de 2 à 6 ans. Contrairement au corps qui atteint souvent sa taille dans l’adolescence, la maturation cérébrale continue au-delà de la naissance, plus particulièrement dans les fonctions exécutives cérébrales et comportementales. Les troubles psychomoteurs sont alors dus à un dysfonctionnement de maturation cérébrale, soit d’origine constitutionnelle, soit secondaire à une affection neurologique, congénitale ou acquise. La connaissance du développement psychomoteur et de la maturation cérébrale est nécessaire car elle conditionne l’insertion socioéducative de celui-ci. C’est dû en réalité que l’enfant est un être à l’accomplissement en train de se faire. On peut quand même se poser quelques questions à l’issue de cet exposé : l’absence du sommeil chez l’enfant peut-elle influencer son développement neurologique ? Peut-on ressusciter les nerfs d’un enfant qui veut perdre les neurones qui commandent l’audition ?
Le Dr Paul Macaire Ossou Nguiet est le représentant de la revue psycause au Congo Brazaville. Il doit réfléchir sur les stratégies à mettre sur pied pour la fondation de Psycause Congo.
Le troisième jour de la conférence est consacré à deux débats camerounais dont l’un qui met en relation l’enfance, la maltraitance et la sorcellerie soutenue par Péguy Ndonko et l’autre qui met en exergue l’impact de la culture dans la prise en charge de l’enfant, la pratique éducative, texte signé par Daniel Mbassa Menick.
Pour le premier intervenant, les enfants qui sont accusés de sorcellerie le sont simplement. Conscients de cette accusation, ils grandissent, se développent avec le regard d’autrui qui les traitent de sorcier, de malfaiteur et que l’ensemble de ces préjugés peuvent influencer leur épanouissement. De fait, ils cherchent toujours à s’éloigner des autres, à se sceller et à fuir le groupe social. Certes, les enfants sorciers ne manquent pas dans les discours des populations, ce sont généralement des enfants doués d’une capacité que les autres n’ont pas et qui sont capables de poser des actes qui sortent de l’entendement du commun des mortels.
Parmi les enfants périlleux dont parle le chercheur, figure en bonne place les enfants albinos, stigmatisés, stéréotypés, indexés, traités de tous les mots : « Moukala », « Pan kieu », « Mongolon », « Nguéguérou » qui sont ainsi tués par les rituels et donnés en sacrifice aux divinités de la montagne dans certaines régions du Cameroun. Ils subissent ce sort en raison de leu naissance inhabituelle. Ils sont ressentis comme appartenant à une créature humaine intermédiaire inachevée. Les parties de leur corps sont visées par des ritualistes telles que les yeux, les cheveux, les organes génitaux, les rognures qui participent au renforcement et à l’efficacité de certains rites sorciers.
C’est à l’effet de faire comprendre le phénomène de la sorcellerie qu’il a publié un ouvrage intitulé « la pratique de la sorcellerie en Afrique » lequel explique clairement l’origine de la sorcellerie, les manifestations et les conséquences. Des exemplaires de cet ouvrage ont été gracieusement mis à la disposition du public congolais via l’Institut français du Congo. Il n’est pas inutile de rappeler que Peguy Ndonko a commis en plus un ouvrage sur la question de l’infertilité ou de la stérilité où il pose de manière pratique la question de la conception de l’enfant, des maladies ou des dysfonctionnements qui entravent la fécondité chez l’homme ou la femme. Sont examinées dans cet essai les résultats de ces recherches sur la démarche à suivre par un couple stérile ou infécond pour avoir un enfant naturel sans passer par les nouvelles technologies de procréation.
Le propos de Daniel Mbassa Menick montre que la culture a un rôle à jouer dans la transmission des valeurs d’un individu. Pour illustrer son propos, il va évoquer les données sur les cultures africaines, la place de l’enfant dans la société, les sanctions éducatives, le poids de l’autorité parentale et finalement la confrontation de la culture avec la modernité et la mondialisation.
Avant toutes ces présentations, les intervenants avaient des idées claires, mais après l’exposé de ces thématiques, ils ont eu des idées confuses d’où de nombreux questionnement qui restent encore en suspens. Vous pouvez continuer à poser vos questions via le site de Psy Cause et nous restons à votre entière disposition.
Dr Ndonko Peguy
Anthropologue