Psy Cause Cameroun : Maladie-Santé-Terrain (MST) N°2. Le « Ndiba » et l’« Edipe » en contexte camerounais Béti
Le coordonateur de Psy Cause Cameroun, titulaire d’un doctorat en anthropologie médicale, Péguy Ndonko, est un passionné de l’étude des « médicaments » utilisés par les tradithérapeutes camerounais. Il est convaincu qu’il existe un savoir très ancien basé sur la flore qui gagne à faire l’objet d’une étude ethnographique. Ce domaine de recherche est l’objet de ce second numéro du bulletin numérique MST. L’intérêt de ses travaux justifierait un partenariat avec de grands laboratoires de l’industrie pharmaceutique, ce qui permettrait à ses chercheurs bénévoles d’avoir les moyens d’une étude plus poussée. Péguy Ndonko fait appel à des patients volontaires afin de tester l’efficacité de traitements traditionnels. Selon lui, l’effet placebo prend une part importante dans les problèmes de stérilité. L’efficacité symbolique maîtrisée par les tradithérapeutes peut être remplacée par l’approche psychothérapique. Il est bien connu que la psychanalyse, par exemple, a pu mettre fin à des problèmes de stérilité en déverrouillant des blocages inconscients. Le « médicament » traditionnel camerounais devient alors une médiation de la psychothérapie. Péguy Ndonko, avec des moyens très limités, ouvrirait des pistes originales spécifiquement africaines dans le domaine de la santé mentale.
Il nous démontre que l’approche culturelle n’est pas l’apanage des tradithérapeutes et qu’elle peut être revisitée dans le cadre d’un travail en équipe pluridisciplinaire qui inclut des anthropologues. L’exemple de la thérapie de Morita au Japon, qui a été au cœur de notre congrès de Kyoto en 2014, est une illustration de la difficulté de l’articulation culture/soin : le directeur de l’Hôpital Sanseï spécialisé dans cette thérapie devait être à la fois un moine zen tenant de l’efficacité symbolique et un psychiatre tenant de la science moderne et, faute de relève, cet établissement centenaire a fermé ses portes peu de temps après notre visite. La transmission d’un savoir nécessite une compréhension de ce qui en fait l’essence suivie d’une adaptation au contexte évolutif de la société concernée.
Après ce « chapeau » qui nous est apparu nécessaire pour préciser le cadre très spécifique de cette recherche camerounaise, nous laissons la parole aux auteurs de Psy Cause Cameroun.
Dr Jean Paul Bossuat, président de Psy Cause International
Dr Thierry Lavergne, vice président de Psy Cause International
Les accidents de la procréation
Le « NDIBA » et l’« EDIPE » en contexte camerounais Béti
Quand la maladie devient un piège !
Toutes les sociétés connaissent, à chaque époque de leur existence, une série de maladies qui intègrent la vie sociale et culturelle des individus. Ces maladies sont dites exogènes lorsqu’elles viennent de l’extérieur et endogènes lorsqu’elles sont culturellement connues. Les maladies sexuellement transmissibles sont à la fois endogènes et exogènes. Elles corroborent l’approche diffusionniste en anthropologie. Bruno Halioua et Françoise Lunel-Fabiani (2002) disent qu’on a cru à tort dans les années 70 que, grâce au formidable arsenal thérapeutique dont on disposait, les MST pouvaient être éradiquées à un niveau mondial. Malheureusement, cette période d’allégresse n’a pas duré longtemps. Très vite les médecins ont dû faire face à des infections de plus en plus résistantes aux antibiotiques mais, surtout, des infections virales très contagieuses tels les condylomes ano-génitaux, les herpès génitaux ou les hépatites virales. Les infections sont à l’origine de drames humains irréversibles. Elles mettent la santé de la mère et de l’enfant en péril, provoquant des fausses couches et des mort-nés. Ces infections ont pris une importance croissante et ont posé des problèmes majeurs de prévention et de traitement. Elles sont à l’origine de ce que Odile Journet (1990) appelle les accidents de la procréation, à savoir la mortalité infanto-juvénile, les avortements spontanés, la stérilité, l’infertilité. Ces accidents participent du champ de l’anthropologie démographique (Daniel Bley et Gilles Boësch). Pourquoi les infections résistent aux antibiotiques ? Comment les populations en viennent à résoudre les problèmes des infections et des conséquences qui en découlent ? Les chercheurs de Psy Cause Cameroun travaillent depuis une dizaine d’années dans la forêt équatoriale aux essences multiples pour comprendre comment les populations résolvent leurs problèmes de santé. Georges Zenker avait déjà séjourné dans la même zone et faisait transporter des tonnes de plantes médicinales vers les firmes pharmaceutiques d’Europe. Pourquoi abandonnons-nous nos valeurs culturelles ? Nous avons répertorié un arsenal de plantes et de médicaments susceptibles de soigner les infections et les hépatites que nous mettons à la disposition d’un large public de patients qui nous consultent. Avez-vous déjà entendu parler de l’édipe et du Ndiba ? Ce numéro de MST Psy Cause traite de ces questions tandis que le précédent portait sur le concubinage et la sexualité.
La maladie « edipe » est retrouvée dans la littérature anthropologique avec des terminologies différentes. Godefroy Ngima Mawoung (2011) parle de l’ « Idip » comme une maladie liée à la sorcellerie ou provenant des sorts. C’est une maladie mystique qui se manifeste morphologiquement par l’accouchement des « mort-nés » par une femme ou alors, les enfants décèdent quelques mois après leur naissance. Mbarga Nnang Sennen parle de l’édipe comme la forme évolutive du ndiba et surtout compare la maladie à un piège qui attraperait les enfants nouveau-nés des femmes. C’est le même constat chez Christelle Mimbé Jelly. Le ndiba est la maladie qui tue les enfants dans le ventre et même après la naissance. Alors, la théorie de l’infection a considérée ici est le diffusionnisme. Les infections se diffusent partout à travers les relations sexuelles qui sont le propre des hommes. Il n’est donc pas de culture, ni de société où on n’assiste pas à la mort des enfants avant la naissance. Le phénomène est récurrent et interpelle une approche pluridisciplinaire. Cette question interpelle les psychiatres en ce sens qu’ils savent quoi dire aux femmes qui pleurent leurs mort-nés. Mais au Cameroun, ces femmes ne bénéficient d’aucune assistance, d’aucun accompagnement psychologique. Chacune supporte ses douleurs comme elle peut. L’approche anthropologique cherche à comprendre le phénomène et apporte des solutions pratiques et traitement et de thérapie.
Les femmes pleurent la perte de leurs nouveau-nés
Les témoignages des femmes et des hommes, des familles sur la question des mort-nés donnent de la sueur froide aux individus. L’anthropologue Odile Journet, dans un ouvrage collectif de Didier Fassin et de Yannick Jaffré (1990), dit que les femmes Diola de la Basse-Casamance et du Nord de la Guinée-Bissau se tuent, s’habillent de loques et mangent du sable pour avoir un enfant. Dans la même perspective, Yannick Jaffré parle de la bataille des femmes. Dans ces cultures, il n’est pas évident qu’une femme accepte d’évoquer ses enfants précédemment décédés et de parler de sa progéniture, car compter comme nommer, c’est risquer d’attirer le malheur sur les enfants objets de comptage ou de la nomination. Le rituel de kanaalen et celui de l’édipe connaissent un certain nombre de variantes locales et la trame est la même partout. Une femme perd successivement deux, trois, voire six ou sept jeunes enfants. Ou encore plusieurs de ses grossesses n’arrivent pas à terme. Pis encore, son union maritale reste stérile. Elle doit faire le rituel de l’édipe. Rituel dont nous ferions sa monographie complète dans un autre article.
Mme Laurentine, 31 ans, « mère de deux enfants, avait perdu un enfant dans le ventre en 2014, elle fait un mort-né en 2015. À l’hôpital, les sages femmes et les infirmières lui disent qu’elle a l’édip et qu’elle doit se soigner traditionnellement. Elle pleure et dans ces pleurs, elle dit que c’est la deuxième fois que cela lui arrive. Elle pleurait chaque fois qu’elle se sentait isolée. De retour de l’Hôpital, elle défait la valise qui contenait la layette, partage les habits avec ses camarades qui viennent lui rendre visite. Elle sent mal à la tête et tout le corps pèse. Elle avait d’ailleurs bénéficié d’un repos de 45 jours. Elle devenait violente dans ses propos. Elle jalousait les autres femmes enceintes et celles qui venaient d’accoucher et donc les enfants étaient nés vivants. Pour rentrer à la maison, elle a fait venir sa petite sœur qui venait d’accoucher et porter son enfant pour donner à croire aux voisins qu’elle avait accouché normalement. Les voisins accourent comme à l’accoutumée et constatent qu’elle est rentrée sans son nouveau-né, elle pleure, pleure et pleure à chaude larme ».
Mme Berthe Ngah, mariée, 27 ans.
« J’étais tombée enceinte, au 6e mois, l’enfant est mort dans le ventre. Un matin, je sentais une douleur profonde et on m’a amenée urgemment à l’hôpital, on a constaté que l’enfant était mort dans le ventre. Il fallait évacuer rapidement pour sauver ma vie. J’ai fait pratiquement une journée pour faire évacuer le fœtus. Ici au village, on a dit que le plateau technique ne pouvait pas m’aider, on m’a évacuée en urgence à Yaoundé. L’enfant est sorti mort, décomposé avec des parties du corps pourries. Une sage femme m’a dit de me soigner traditionnellement, c’est ainsi qu’on m’a donné le contact d’un bureau à Yaoundé, un Docteur qui soigne même avec les plantes. Je suis parti, il m’a donné le remède avec mon mari, quand j’ai commencé à boire, je voyais un liquide jaune qui sortait de mon vagin, ça avait une forte odeur, je sentais que j’étais pourrie… Un liquide sortait dans mes seins quand j’appuyais. Mon saignement avait des odeurs, et c’était lourd et gluant, j’avais les démangeaisons partout, mes seins me grattait, même l’anus, je ne vivais pas, je mourais à petit feu, j’ai fait le traitement de 3 mois avant d’accoucher normalement ».
Mathieu, 39 ans.
« Ma femme a fait les mort-nés, une fois, deux fois, trois fois et on était déjà dépassé. Ma belle mère a dit que c’est la sorcellerie, que c’est moi qui vend les enfants pour faire le commerce. Ma femme est même d’abord partie de la maison, on l’a amenée chez les marabouts, on l’a soignée. Elle revient et elle conçoit, l’enfant meurt à la naissance. C’est toute la famille qui était contre moi. Elle est partie dans un nouveau mariage, elle a accouché et l’enfant est encore mort. C’est là alors que les gens ont commencé à parler de l’édipe et on a commencé à se soigner, j’ai un enfant aujourd’hui, elle venait aussi d’accoucher, mais nous ne sommes plus ensemble, chacun à un nouveau foyer ».
« Je n’ai pas eu d’enfant depuis mon mariage à l’âge de 24 ans. On a fait tous les hôpitaux, on est allé en Afrique du Sud faire l’in vitro sans succès, on est allé à l’église au Nigéria, on a fait les marabouts et les prêtres en vain. Une copine m’a conseillé d’aller voir un Docteur à Yaoundé qui soigne les femmes stériles parce qu’elle-même s’était soignée là-bas. Je suis partie et il nous a mis sous traitement de 3mois. Après les 3 mois, il m’a demandé certains examens médicaux que j’ai faits… Je suis très heureuse maintenant ».
Jean-Marc, 38 ans, marié et infertile
« Je cherche à avoir un enfant depuis plus de 15 ans. A l’hôpital, le Médecin m’a dit que mon sperme ne suffisait pas pour féconder. On m’a prescrit proviron en comprimé pour remonter mon sperme parce que j’avais une oligospermie, une asthernospermie, une azzospermie et une pyospermie. Quand un ami m’a conseillé de venir ici, je me suis dit qu’on ne perd jamais à écouter. Ici, on m’a bien expliqué ma maladie et je connais mon problème, on m’a expliqué les causes et j’ai eu la chaire de poule. J’ai directement appelé mon épouse de me rejoindre pour qu’on suive ensemble les conseils des gens qui travaille à Psy Cause. On prend beaucoup de temps pour t’expliquer et c’est bien. Tu arrives, on t’envoie chez le Docteur, après il t’envoie chez un autre qui te parle de psychologique, après il t’appelle encore, vous causez, il te parle même des choses du village, il te demande les examens, il t’explique ce qui est écrit sur les papiers. Les gens ne connaissent pas ici, quand les gens vont connaître, vous seriez déborder de travail. Ce qui est bien, c’est que c’est eux-mêmes qui fabriquent les médicaments et c’est naturel ».
Angeline, 24 ans,
« La vie pour moi n’a plus de sens, depuis que je me suis mariée, je n’ai pas d’enfant. Mon mari ne se soucie pas trop parce qu’il a eu un enfant avec une autre avant le mariage. On n’a pas les mêmes problèmes. Je ne dors pas, j’ai toujours mal à la tête, rien ne me plait, je mange malgré moi, je n’aime boire que les sucreries. J’ai de la peine à avaler un aliment solide. C’est qui est encore grave, la nuit, je ne dors pas, je fais des mauvais rêves, parfois je suis persécutée, je vois un gros serpent boa qui s’en prend à moi, si j’essayais de fuir, il me poursuit jusqu’à ce que je me réveille dans ma course. On m’a indiqué de venir ici au bureau de Psy Cause vers Nsam voir un docteur, je suis venue et il a commencé à m’expliquer mes problèmes, tout ce qu’il me disait était comme s’il était avec moi. Il m’a demandé si j’ai la sueur la nuit, c’est là que je me rappelle que je fais beaucoup de sueur la nuit, il m’a demandé si mes pieds pourrissent dans la chaussure, là c’est même grave parce que j’étais déjà allé voir un prêtre exorciste pour mes pieds et rien n’a changé, il m’a demandé si la peau de mes pieds quitte souvent, oui, je mets tous les laits de toilettes et ça ne change pas, il m’a demandé si mes seins grattent, c’est tout le temps quand je sens le soleil sur moi, il m’a demandé beaucoup de chose et j’ai senti qu’il connaissait mon problème… »
Marlyse, 33 ans, Yaoundé
« J’ai eu mon premier fils à l’âge de 17 ans, depuis je veux encore concevoir sans succès. J’avais fait un avortement entre temps, j’ai aussi pris les pilules contraceptives, après j’ai pris des kilos supplémentaires. Quand je suis arrivé ici, on m’a posé des questions sur tout et je répondais sincèrement, j’ai présenté tous les examens et on m’a dit qu’il n’y avait pas de problèmes majeurs, il m’a demandé d’aller dans mon village faire certains rites, j’ai fait ce qu’il m’a demandé et quelque temps après, je suis tombée enceinte. Je me suis posé beaucoup de questions sur l’argent que j’avais déjà dépensé à l’hôpital, chez les Marabouts et les prêtres, je voulais devenir aussi anthropologue pour comprendre et aider les gens qui souffrent dans les familles ».
Le Ndziba et l’Edipe : une maladie-piège
Les populations enquêtées ont relevé à maintes reprises la présence des éruptions cutanées comme maladies fréquentes. Les signes cliniques sont facilement perceptibles. Les éruptions cutanées ont une survenue, le plus souvent brutale, de lésions cutanées ou muqueuses. Nous sommes sans ignorer qu’une éruption peut être d’origine infectieuse comme les éruptions fébriles contagieuses de l’enfance (rougeole, varicelle ou zona). Elles peuvent être associées à des infections virales ou à des maladies parasitaires. Les maladies qui engendrent une éruption cutanée et reconnues par les populations sont le « Ndziba » ou l’ « Edipe ». La maladie est ainsi nommée selon les sociétés et les cultures. La maladie prend son sens dans un contexte culturel particulier. Chaque culture a une attitude qu’elle adopte vis-à-vis des personnes malades. L’interprétation de la maladie, l’appellation et le traitement vont pour ainsi dire varier selon les milieux culturels. L’approche « etic » de la maladie donne à comprendre qu’il s’agit d’une maladie sexuellement transmissible, maladie contagieuse due aux germes, qui se transmet d’une personne malade à une personne saine par le biais des rapports sexuels non protégés. Dans une approche « emic », on dira que qu’il s’agit d’une maladie aussi contagieuse, résultat de la transgression culturelle. Le « ndziba » ou « edipe » se manifeste par des éruptions cutanées sur les parties génitales en générale, les seins ou le bas ventre et parfois sur tout le corps si rien n’est fait. La biomédecine l’identifie par une série de maladies infectieuses à manifestations cutanées à l’instar de la rubéole, de la toxoplasmose, des mycoplasmes, de la syphilis, de la blennorragie et du chlamydiae. Cette maladie est reconnue dans cette société comme celle qui atteint les femmes en général. Dans cette culture, une femme sexuellement active doit faire des lavages ou mieux certaines pratiques lui permettant de nettoyer son organisme pour se libérer des maux de cet ordre. De l’avis de certaines informatrices, l’ « édipe » est considéré comme un « poison » parce que la femme ayant l’ « édipe » et faisant la maladie ne peut avoir d’enfants. Elle peut arriver à concevoir, mais avec les possibilités très faibles d’arriver à terme et elle fera face à des problèmes de fausses couches, d’enfant mort-né, ou des prématurés. Dans une autre perspective, une femme faisant la maladie peut réussir à conserver sa grossesse mais les possibilités de survie de l’enfant sont très faibles car la mère est malade et son mal attaque également les seins et il lui est impossible d’allaiter le nourrisson. L’ « édipe » se convertit en un liquide du corps qu’on appelle « eau sale ». Pendant le traitement, ce liquide sort du corps par des saignements de couleur jaunâtre, parfois sanguinolente. Le nourrisson qui survit de cette maladie et tête les seins gâtés ou empoisonnés par l « édipe » de sa mère ne pourra pas survivre même à l’âge de 15 ans. Son « édipe » devenu chronique avec le temps lui donne un accès fébrile qui le conduit à trépas. L’enfant n’est jamais bien portant ; il peut avoir une malformation physique, la peau forme des traces de teignes. Pour le mort-né, la peau s’arrache et la chair est visible, la tête est macérée à plusieurs degrés.
Le mal a dit (mal a die) de chercher son sens dans la culture. L’étymologie de ce mot dans la langue Béti a pour racine « dipe » qui veut dire bloquer et exprime le fait de l’être. Le verbe se forme à partir du nom pour décrire l’action. Ainsi le nom est précédé de « a » qui se prononce[ä]. Par exemple : adip veut dire bloquer. D’après l’idée initiale dans l’histoire de cette maladie en contexte Beti, les ancêtres l’ont comparée à la prise de piège qu’on utilisait pour attraper les oiseaux, à l’aide d’un liquide que l’on composait à base d’une sève de l’arbre « Ekekam » et dont le produit obtenu s’appelle « Nkam ». Toute personne qui contacte l’édipe s’expose comme un oiseau qui ne peut plus échapper au piège. Jeanne, 29 ans, Bankomo, témoigne : « L’édip est une mauvaise maladie qui dérange les gens ici au village. Quand tu ne connais pas, l’édip tue ton enfant dans le ventre ou bien tu fais des mort-nés. Pour savoir que quelque chose ne va pas, la femme a la fièvre subitement, elle sent trop froid ou trop chaud, quand l’enfant est déjà mort dans le ventre. Après, la femme a une douleur au bas ventre, elle part à l’hôpital, c’est là que le Docteur lui dit que l’enfant est mort dans son ventre. ». Le témoignage de cette femme peut aider à comprendre les raisons de décès des enfants dus au paludisme ou à la fièvre. L’édip ou le Ndiba rendus à un état chronique se manifestent par la fièvre ou le paludisme. La fièvre est le signe que le corps est agressé et le paludisme est la maladie qui agresse.
C’est une maladie contagieuse et la contagion se fait de diverses façons : transmission de la mère à l’enfant par le canal du cordon ombilical, échange des vêtements ou utilisation commune des linges ; les relations sexuelles avec des partenaires multiples, la salive… Le mot edipe dérive du verbe « dipe » en béti qui traduit le fait de prendre ce qui ne vous appartient. La maladie edipe apparait ici comme un instrument de contrôle social dans cette société. La maladie permet et oblige en quelque sorte les couples à être fidèle les uns les autres. L’edip sanctionne les couples infidèles. Cette pathologie peut aussi provenir de la transgression des interdits culturels. Par exemple, une fille qui traverse une racine d’arbre produisant encore une sève sur un sentier.
L’édipe se manifeste par les démangeaisons sur la peau, en particulier les aisselles, les avant-bras, les seins et les parties intimes. Elles s’érigent en blessures lorsque les soins ne suivent pas. Les jambes grattent et les femmes ont des pertes blanches continues tandis que l’homme éprouve une éjaculation précoce, une faiblesse sexuelle et du pus dans le sperme, parfois des blessures sur le pénis et la bourse. Chez les enfants, les démangeaisons se transforment en furoncles et ils se grattent à perpétuité.
En dehors de se trouver mal à l’aise, les conséquences sont nombreuses chez les enfants, car infectés dès la naissance, leur survie est dubitable. Ils arrivent à trépasser avec des courtes maladies inexplicables. Aussi constate-t-on des interruptions involontaires de grossesse chez les femmes, la mort du fœtus dans le ventre. Une femme enceinte contaminée par l’ « édipe » fait boire de cette eau salle au fœtus dès le deuxième mois de grossesse, il est alors rare que la grossesse arrive à terme. La mort fœtale survient au bout de 4, 6, 8 mois de grossesse. A plusieurs reprises, la femme qui fait des morts fœtaux pose à son entourage de sérieux problème de soupçon de sorcellerie. On accuse soit le mari de « vendre » les enfants dans le « Nkon » à partir du fœtus ou une tante qui a un mauvais œil ou encore une personne qui a eu des problèmes avec la femme enceinte pendant la grossesse. Une personne malade d’ « édipe » peut contaminer une personne saine. L’édipe est la maladie des femmes très fécondes, nous rapportent plusieurs informatrices interrogées à ce sujet. Cette affirmation réconforte les femmes qui perdent leur enfant au cours de la grossesse. L’ « édipe » empêche aux femmes de concevoir et les rendent stériles. L’eau sale de l’ « édipe » s’accumule dans le ventre et donne du volume à l’estomac, on pense que la femme a les myomes. Et si une échographie atteste qu’elle a les myomes, ces tumeurs sont responsables de l’infertilité, pourtant, ce n’est pas toujours le cas. L’ « édipe » se manifeste cliniquement chez les femmes aussi par des démangeaisons de la peau qui laisse des tâches noires. L’ « édipe », bien que différent du « Ndziba » se soigne presque de la même façon.
Pratiques thérapeutiques du Ndiba ou Edipe
Les personnes habilitées à soigner cette maladie sont généralement les femmes ménopausées. Elles sont reconnues comme des spécialistes de ces maladies. Il est dit que les patients doivent se faire soigner par au moins trois femmes ménopausées différentes. Pour se qui est des soins, les deux partenaires vont recevoir des soins intensifs ne relevant pas de la biomédecine pendant une période de 90 jours selon la gravité de la maladie. Le traitement existe sous plusieurs formes allant des bains de purification au traitement par voies orale, nasale et anale. Les essences végétales pour cette thérapie sont connues et le conditionnement relève de la compétence des spécialistes.
Pour éradiquer l’ « édipe » au sein d’un couple, les deux partenaires doivent se soigner conjointement et soigner les enfants qui sont nés avant la découverte de la maladie, sinon ces enfants peuvent aussi passer à trépas. Il est même conseillé dans le traitement de recourir à plusieurs spécialistes tant la complexité du traitement exige des compétences singulières. Les patients qui se soignent de l’édip doivent observer des restrictions alimentaires pendant le traitement. Il leur est strictement interdit de manger le macabo, le gombo etc… Le met de pistache se prépare par la femme sous le contrôle du traitant. Les feuilles ne sont pas jetées à la poubelle, mais enterrées dans le sol. Cette action symbolise la fin de l’enterrement des enfants. La femme qui enterre la feuille du met au sol met ainsi un terme à la mort-fœtale. Aucun antibiotique de la biomedecine ne peut soigner cette maladie, il ne sert à rien d’essayer les injections et les comprimés.
Remarque du Dr Ndonko Peguy
« Les patients qui se sont portés volontaires pour notre expérimentation, sont venus pour des problèmes d’infertilité et de mort-nés successifs, ils sont déjà pris au piège du désespoir et vivent des troubles psychiques divergents tant et si bien qu’il n’est pas possible de leur parler d’autres choses sans arranger ce côté psychologique. Tout ce passe dans la tête d’abord, ensuite, la volonté de s’engager dans un processus long et incertain. Le cheminement thérapeutique est aussi un enjeu. Le patient est comme perdu dans sa vie. Ces troubles psychiques engendrent inévitablement un dysfonctionnement hormonal qui peut se manifester par une aménorrhée chez les femmes et les troubles d’érection chez les hommes. Ces troubles d’érection fragilisent l’hypophyse responsable du déclenchement de l’éjaculation. Ces troubles s’accentuent quand on est dans un mariage parce que les attentes sont nombreuses. En Afrique, le mariage réel est celui dans lequel le couple a au moins un enfant naturel. Ce que je peux dire aux patients c’est qu’un échec dans la vie n’est pas l’échec de la vie, si ça n’a pas marché pour la première fois, il ne faut pas se décourager et éviter la prostitution médicale jusqu’à ce que le spécialiste vous dise qu’il ne sait plus quoi faire, les hommes n’ont pas la même constitution biologique, ni les mêmes cultures, encore moins les mêmes tempéraments. Le corps est un ensemble complexe d’organe qui faut soigner et les maladies sont d’origines diverses qu’il faut gérer ».
Nous attendons les questions et les commentaires des internautes et surtout des psychiatres. Cette recherche n’est pas terminée.
NB : Tous les témoignages ont été autorisés par les auteurs, les noms et les prénoms sont des pseudonymes, les âges sont justes. Rédigé en 2015 et envoyé en août 2016.
Peguy Ndonko
Tel : 242 81 15 96 / 677 53 92 13/ 697 27 28 93
Email : pegndonko@yahoo.fr
Skype : martial2007
très intéressant
Salut moi je souffre de cette maladie comment traiter cela merci
Comment vous contacter