La revue Psy Cause prend des couleurs
Le N°69 de la revue Psy Cause est réceptionné à notre siège avignonnais le 24 décembre 2015 … Il est tout en couleur. Désormais, il en sera ainsi, et sans augmentation du prix de l’abonnement annuel qui était déjà inférieur au prix de revient afin de permettre au plus grand nombre, en particulier dans les pays francophones à faibles revenus, de s’abonner. Ce N°69 est entièrement consacré à des articles d’auteurs sénégalais. Ce n’est pas la première fois que notre revue publie un numéro thématique national, dans son intégralité : citons le Numéro Spécial Cambodge en 2013 (N°64). Mais c’est la première fois qu’un pays participe à son financement. En l’occurrence, à l’initiative du Pr Mamadou Habib Thiam, c’est « l’Ecole de Dakar » qui contribue à hauteur de plus d’un tiers aux frais de fabrication du numéro et qui construit le dossier en nous en communiquant les textes et de belles illustrations.
Incontestablement, ce Numéro Spécial qui, est-ce le fruit du hasard, voit le jour à Noël, marque un nouveau tournant dans la vocation africaine de notre revue internationale francophone. Le premier était au Bénin en 2008 avec le Pr 
Mathieu Tognidé, qui fut un pionnier de notre présence en Afrique, dont la perte en septembre dernier a été durement ressentie par tous ceux d’entre nous qui l’ont connu. Le second était en Côte d’Ivoire début 2013 avec les Prs Drissa Koné et Y Jean Marie Yéo Ténéna, qui ont abonné la majorité des psys de leur pays. Le troisième était à Ouagadougou en février 2014 avec le Pr Arouna Ouedraogo qui faisait voter à l’unanimité un partenariat entre Psy Cause et la Société Africaine de Santé Mentale. Ce fut alors, que le Pr Mamadou Habib Thiam évoqua l’idée d’un Numéro Spécial Sénégal, en accord avec le Pr Momar Gueye également présent. La couverture du N°69 représente la case du « pinth » située au centre de la cour du service de psychiatrie du CHNU de Fann Dakar. Ce lieu est emblématique de l’œuvre du Pr Henri Colomb.
L’été 1976, j’étais un jeune interne français venu à Fann, en tant que stagiaire, remplacer dans le service du Pr Colomb un interne sénégalais en congés, du nom de … Momar Gueye. Cette case était alors un espace de palabres qui associaient le patient, ses proches, les membres de l’équipe soignante et le 
tradithérapeute. C’était l’époque de l’Œdipe africain, de l’ethnopsychiatrie de Laplantine, de l’efficacité symbolique de Lévi Strauss. Je me souviens de discussions en ce lieu sur les sorciers anthropophages de la viande la nuit, d’un jeune patient à qui l’on avait mangé son « fit », du son des tam tam. Je me souviens de cette tradithérapeute spécialisée dans le combat contre les sorciers anthropophages, qui avait conquis son auditoire quant à sa compétence, en affirmant dans cette case du pinth qu’elle même jadis avait mangé 200 personnes. Telle le psychanalyste qui assoit sa compétence à traiter avec l’inconscient de ses analysants, sur sa psychanalyse personnelle.
Onze articles sont rassemblés dans ce numéro spécial (cliquer sur son sommaire ci dessous à gauche). Ils donnent une photographie (non exhaustive) des pratiques psychiatriques de l’« Ecole de Dakar » en 2015. Le contexte a beaucoup évolué en trente ans depuis l’époque du Pr Colomb, en grande partie parce que la société sénégalaise a beaucoup changé, s’est modernisée, et les référentiels du soin tiennent compte de ce paramètre. Ils intègrent cependant les spécificités culturelles qui concernent 
encore, en ce début du XXI° siècle, un grand nombre de patients. Le dossier est clôturé par un article qui fait lien avec l’approche de l’équipe du Pr Colomb. La revue Psy Cause est honorée de ce Numéro Spécial et nous avons décidé d’en faire le point de départ d’une nouvelle étape de notre revue.
L’éditorial de ce N°69, cosigné par le directeur et le directeur adjoint, en précise le contexte : « La revue Psy Cause change et ce N°69 est sur le plan de la forme, un numéro de transition. L’association Psy Cause International monte son propre organisme d’édition et entre dans une quatrième phase. Partout dans le monde, les revues se doivent d’évoluer en fonction des nouveaux moyens d’accès à l’écriture liés à la révolution du web : les écrans des ordinateurs, des tablettes numériques et des iphones ont bouleversé l’usage du support papier. Toute publication qui ne prendrait pas en compte cette révolution de l’écrit comparable à l’invention de l’imprimerie, serait vouée à la disparition. »
Il rappelle que de 1995 (avec le N°1) à 2000, nous visions un 
mode de communication de proximité rapide et économique pour des échanges sur des pratiques soignantes dans des établissements psychiatriques du Sud Est de la France. Nos numéros se rapprochaient du polycopié, et seraient aujourd’hui des publications internet. Avec notre seconde étape, de 2001 à 2004, la revue est intégralement imprimée mais avec une infographie minimale. Le réseau français de Psy Cause, principalement implanté dans les hôpitaux publics, atteint son maximum. C’est sur la couverture du N°23/24 (premier semestre 2001) que nous dessinons le logo qui sera repris fin 2004 avec le N°38 édité par notre nouvelle partenaire Hélène Mella. Ce logo symbolise le psy qui cause de part et d’autre de la basse vallée du Rhône, terroir où naquit le concept de Psy Cause, au centre duquel la ville d’Avignon est le siège de la revue et de l’association. Il nous accompagnera onze années durant, sur 30 numéros, avec notre éditrice, au long d’une troisième étape qui est celle de l’internationalisation progressive de la revue Psy Cause. Depuis trois années, cette évolution est aboutie. Le N°68 (premier quadrimestre 2015), dernier repère symbolique de la période, produit un dossier thématique international.
La quatrième étape qui s’ouvre conserve ce logo historique tout en donnant plus de place à l’image, à la couleur qui devient la règle. Nous ferons coexister une diffusion par mail sous la forme PDF, avec la diffusion d’un support papier plus strictement réservée aux abonnés, et au bénéfice des auteurs, en particulier dans une optique universitaire.
Jean Paul Bossuat
