Journal du congrès de Zarzis (Tunisie) : carnet N°5. Une visite militante au musée du Bardo à Tunis (5 juin 2015)
Le lendemain de notre réunion du 4 juin à l’hôpital Razi, avant de prendre le chemin du retour vers le sud tunisien, nous consacrons quelques heures à la visite du prestigieux musée du Bardo, ce que nous considérons comme un acte militant contre l’obscurantisme, une prise de position de Psy Cause, complémentaire de celle qui fut nôtre lors de l’attentat de Paris contre la rédaction de Charlie Hebdo. À l’entrée de ce conservatoire des plus belles mosaïques de l’antiquité dans le monde, mises en valeur dans un palais qui est une merveille de l’architecture arabe, une plaque est érigée en mémoire des 20 victimes de l’attentat du 18 mars 2015. Pour combattre un tel acte barbare, point n’est besoin de manifester. La seule réponse est de venir en grand nombre depuis le monde entier visiter le musée du Bardo.
Nous proposons à nos lecteurs quelques photos de notre visite du 5 juin 2015.
Ci-contre : le Dr Jean Paul Bossuat pose sous une mosaïque romaine qui représente une scène animalière mettant en valeur le courage face au prédateur.
Ci-contre : le musée du Bardo a été érigé dans sa plus grande partie vers le milieu du XIX° siècle dans l’enceinte d’un palais beylical. La salle ci contre correspond à l’ancien harem. La finesse de la dentelle est un très bel exemple de l’art arabe intégré ici par un architecte de l’empire ottoman. La porte ouverte sur la gauche donne sur une petite salle d’exposition qui aurait été la chambre de l’une des épouses du maître des lieux, il y a quelques siècles.
Ci-contre : nous sommes dans la petite salle d’exposition citée ci-dessus, qui abritait un groupe de touristes le 18 mars 2015, dont le seul tort, aux yeux des barbares, était de s’intéresser au patrimoine culturel de la Tunisie. Les impacts des balles sont toujours visibles. Treize des visiteurs dans cette salle, furent assassinés.
Ci-contre : la responsable Psy Cause du marketing, elle aussi est présente au musée du Bardo en ce 5 juin 2015.
Ci-contre : un mur recouvert d’un vaste ensemble en mosaïque qui représente des villas dans un paysage de l’Afrique romaine. Ces villas étaient le cœur de vastes entités économiques. Elles étaient de grande taille avec des pièces agencées autour d’un patio. Les mosaïques romaines, principalement des deuxième et troisième siècles, correspondant à l’Antiquité classique romaine de l’Afrique du Nord, y ont été essentiellement découvertes.
Ci-contre : déchargement d’un navire marchand et pesée des produits importés probablement destinés à la villa propriétaire de la mosaïque.
Ci-contre : l’une des principales distractions, à laquelle on conviait les invités de marque, était dans une villa romaine, la chasse à courre. Ici, un maître de villa se fait représenter, et admirer, sous le nom de Narcisse, dans cette activité. Toute interprétation psychanalytique, étant donné l’ancienneté du contexte, serait bien évidemment abusive… Quoique.
Ci-contre : il existait, parmi les propriétaires de villa, une élite cultivée. C’est ainsi que l’un d’entre eux fait fabriquer dans sa demeure un portrait du poète comique Ménandre.
Ci-contre : assister à une course de chars dans une tribune VIP, à l’équivalent du spectacle d’un grand prix automobile d’aujourd’hui, était une sortie prisée.
Ci-contre : le Nil, fantasmé, hier dans l’Empire Romain comme de nos jours en Europe et en Amérique, comme le père et la mère des civilisations, était l’objet d’une décoration de bon ton. Ici, est représentée une rive du Nil contemporaine du maître de la villa où cette mosaïque fut trouvée (une villa du deuxième siècle de notre ère située au sud de Madhia).
Ci-contre : une église chrétienne contemporaine de Saint Augustin (V° siècle de notre ère). En ce temps là, juste avant l’arrivée des Vandales en 439, l’Afrique du Nord était le seul morceau de l’Empire Romain d’Occident intact avec un haut niveau de civilisation. L’art de la mosaïque avait conservé son éclat et son savoir faire. L’œuvre de Saint Augustin a encore été, de nos jours, une référence pour le psychanalyste Jacques Lacan. Ce père de l’Eglise est un exemple de la synthèse qui se faisait alors entre des racines juives et la philosophie grecque néoplatonicienne, au sein de la religion chrétienne devenue depuis peu religion d’état de l’Empire. Il unifiera l’Eglise chrétienne d’Afrique lors de la conférence de Carthage en 411. Saint Augustin était un Berbère engagé.
Ci-contre : un chef d’œuvre de l’art byzantin de la mosaïque. En 533, presqu’un siècle après l’installation des Vandales, le général Bélisaire faisait, au nom de l’Empire Romain (capitale, Constantinople) la reconquête de l’Afrique Romaine. Les artistes byzantins avaient élevé l’art chrétien de la mosaïque à un niveau inégalé. Le baptistère de Demna (Cap Bon) provient d’une église paroissiale et a été construit au VI° siècle, après la reconquête. Son décor symbolique illustre le concept de salut du néophyte illuminé par la foi (cierges allumés) avec le baptême et son intégration à l’Eglise africaine.
Ci-contre : la salle « Judaïca ». Le musée du Bardo a autonomisé une petite salle exclusivement consacrée à diverses antiquités cultuelles juives de Tunisie. Certaines datent de l’époque romaine. L’existence de cet espace d’exposition nous permet de conclure notre visite imagée, par un fait historique et quasi légendaire dans la partie orientale du Maghreb, survenu lors de la conquête arabe. Il s’agit de l’ultime résistance opposée à l’armée d’Hassan Ibn Nouman entre 695 et 700. Lorsque la cavalerie arabe fit son entrée en Afrique du Nord, elle fut confrontée à deux adversaires professant une religion monothéiste : au nord et sur la côte, les Byzantins chrétiens, dans les montagnes, des tribus berbères indépendantes, majoritairement de religion juive. Une reine Berbère, surnommée la Kahina, fédéra les tribus des montagnes et stoppa, cinq années durant, la puissante armée arabe. La Kahina, comme sa tribu, était de religion juive et descendait d’un ancêtre appelé « Guerra », ce qui signifie « Le converti ». Cet épisode, relevé par un chroniqueur arabe, donne un éclairage qui secoue singulièrement les schémas simplistes qui circulent actuellement sur la question juive dans le monde arabe.
Jean Paul Bossuat
Bonjour Jean-Paul et Cathy,
Merci pour ce très bel article et ces merveilleuses photos!
Merci de nous faire partager cela!
Profitez bien de ce beau pays et de ses sites chargés d’histoire!
Au plaisir de vous revoir parmi nous.
Amitiés
MChristine