Journal du congrès de Zarzis (Tunisie) : carnet N°4. Tunis (4 juin 2015)
Le troisième volet de nos rencontres préparatoires de juin se déroule auprès des professionnels de l’hôpital Razi à Tunis. La Pr agrégée de psychiatrie Faten Ellouze, rédactrice de la revue Psy Cause depuis 2010, est l’organisatrice, avec l’aide de son chef de service (psychiatrie G), le Pr Fadhel Mrad, d’une réunion qui a regroupé 19 psychiatres de son établissement ainsi que la directrice générale. Cet événement, comme lors de nos deux précédentes étapes tunisiennes à Sfax puis Sousse, est dans la continuité d’une longue histoire avec des auteurs de cet hôpital qui, depuis de nombreuses années, ont fait appel à la revue Psy Cause pour publier, principalement sous la coordination de la Pr Faten Ellouze.
Historique Psy Cause / Hôpital Razi
Il est même possible de relever que dans le N°2 de la revue Psy Cause alors locale (en ligne sur notre site dans la rubrique « Anciens numéros »), en novembre 1995, c’est à dire il y a presque 20 ans, un infirmier psychiatrique du Centre Hospitalier de Montfavet (Avignon) évoquait avec une certaine nostalgie sa découverte de l’hôpital Razi. Peut être certains anciens se souviendront-ils de lui ? Il écrivait : « La création de la revue Psy Cause, dont j’ai lu avec beaucoup d’intérêt le Numéro 1, est une excellente initiative car nous disposons ainsi d’un outil local d’échanges et de communication. Moi même, en 1991, ai été sélectionné pour l’élaboration et la réalisation d’un film professionnel afin d’établir un jumelage entre un CHS de Marseille où j’exerçais, et l’hôpital Razi en Tunisie. Nous avons établi des échanges scientifiques très intéressants, en particulier lors d’une soirée débat à Marseille en présence du Consul de Tunis. » La suite de son courrier (à lire ci-contre) est un plaidoyer pour des échanges avec l’étranger, estimant qu’une revue même locale comme Psy Cause devait y avoir sa part. Nous étions bien loin d’imaginer que vingt années plus tard aujourd’hui, la revue Psy Cause, devenue internationale, serait, entre autre, une revue au service de l’hôpital Razi.
C’est dans notre numéro de l’automne 2007 (N°48/49) que la Pr Faten Ellouze publiait avec quatre collègues son premier article « Validation de l’Edinburgh post natal scale : version tunisienne ». Elle nous avait contactés directement pour sa proposition d’article. Elle nous adressait un second texte en décembre 2007 (N°50) cosigné par huit collègues dont l’auteur principal était la Pr Madja Cheour, chef de service des consultations et des urgences de l’hôpital Razi : « Pulsion scopique et TOC : à propos d’un cas ». Cette fois ci, ce n’était plus un travail sur une échelle d’évaluation, mais une étude psychopathologique avec des référentiels psychanalytiques par laquelle les auteurs revisitent les frontières entre la jouissance névrotique et la perversion. Dans ce même N°50, la Pr Majda Cheour (auteur principal) et la Pr Faten Ellouze publiaient avec deux autres auteurs un second texte « Enfants et conflits conjugaux – Résultats d’une enquête en population générale à Tunis » construit selon la méthode statistique utilisée en santé mentale. Dans notre N°51 (2008), les Prs Faten Ellouze et Majda Cheour écrivaient un article intitulé « Conflits conjugaux : quelles raisons ? », selon la même méthode d’enquête. Parallèlement dans ce même N°51, la Pr Faten Ellouze était l’auteur principal d’un article cosigné par le Pr Mohamed Fadel M’rad, trois résidentes et un psychologue, tous de l’hôpital Razi : « Le délire de filiation dans la psychose ». Après ces différents textes, la Dr Faten Ellouze devint notre correspondante tunisienne.
En 2009, ce sont sept articles en provenance de l’hôpital Razi qui étaient publiés : dans le N°53, la Pr Faten Ellouze publiait de nouveau avec des membres de l’équipe du Pr M’rad, un texte sur « Bipolarité et tentatives de suicide » ; dans le N°54 ce furent trois articles dont deux écrits par la Pr Faten Ellouze avec d’autres auteurs (l’un sur la névrose obsessionnelle et l’autre sur la schizophrénie), le troisième par la Dr Olfa Dakhlaoui avec deux autres auteurs de l’hôpital Razi de Tunis : « Mauvaise observance thérapeutique dans la schizophrénie : facteurs impliqués » ; dans N°56 c’étaient encore trois articles tunisiens : le premier, des Prs Faten Ellouze et Majda Cheour (« Thèmes délirants et croyances culturelles »), les deux autres de la Dr Olfa Dakhlaoui dont l’un des cosignataires est le Pr Fakhreddine Haffani, chef de service à l’hôpital Razi et correspondant de Psy Cause de longue date (un texte sur la schizophrénie et les troubles sexuels, un autre sur les suicidants récidivistes dans le cadre d’une étude statistique en milieu hospitalier psychiatrique). L’année 2009 fut un temps fort quant aux publications en provenance de l’hôpital Razi.
En 2010 (N°58 de Psy Cause), la Pr Faten Ellouze présentait un travail original sur la psychose nuptiale en lien avec la culture tunisienne, et rédigeait à la même époque avec le Pr Fadhel Mrad un autre article (« Périnatalité et vulnérabilité à la shizophrénie ») qui sera publié en 2011 dans notre N°59. Le 7 mai 2010, la Pr Faten Ellouze entrait au tout nouveau comité de rédaction francophone international de la revue Psy Cause qui amorçait sa mutation officielle vers une nouvelle mission francophone. Le premier article postrévolutionnaire à paraître sera signé « Leila Chennoufi, Faten Ellouze, Wissal Cherif » et coll. Il traitera en 2012 d’un sujet approprié : « Quel est l’impact du stress professionnel et du burnout sur les enseignants tunisiens ? » (N°61 de Psy Cause). En 2014 (N°66), un article signé « Sana Ellini, Faten Ellouze, Leila Chennoufi, Mejda Cheour et Mohamed Fadhel Mrad » a pour thème l’impact du stress sur l’apparition de la dépression chez les infirmiers d’un hôpital psychiatrique. Enfin, le N°68, à paraître à la fin de ce mois de juin 2015, intègre l’article signé « Faten Ellouze, Sana Ellini, Wissal Cherif, Mohamed Fadhel Mrad » sur l’anorexie mentale évaluée par le EAT 40, dans un dossier sur l’adolescence.
Depuis 2007, les publications en provenance de l’hôpital Razi ont été présentes dans notre revue (à la seule exception de 2013) chaque année.
La réunion du 4 juin 2015 à l’hôpital Razi
Cette réunion a débuté par une présentation de Psy Cause. Le Dr jean Paul Bossuat a mis en avant le projet de l’association/revue auprès des 20 professionnels de l’établissement présents (19 psychiatres, dont 4 chefs de service, et la directrice générale). Une vision militante francophone est ainsi présente tant au niveau de la revue internationale dont l’objectif est de permettre de publier en langue française alors que la langue anglaise est celle de l’immense majorité des communications scientifiques, que des congrès et colloques organisés de par le monde. Utiliser une langue n’est pas neutre car celle ci véhicule un mode de pensée et une conception de l’humain.
Des exemplaires de la revue Psy Cause sont distribués et très rapidement une discussion interactive s’installe.
Les premières questions portent sur la revue. Sa ligne éditoriale impose t’elle un modèle d’article, par exemple des textes à dimension culturelle ? En s’appuyant sur l’exemple des publications des psychiatres de l’hôpital Razi dans Psy Cause, on peut constater le pluralisme des articles acceptés tant au niveau formel (de l’analyse statistique aujourd’hui classique à des études de cas) qu’au niveau du contenu (référentiels théoriques variés). Ce qui est privilégié dans le choix des articles, à propos desquels il y a un comité de lecture, c’est le lien avec la clinique. Un rappel est fait des règles formelles en vue d’une publication : l’article est adressé en Word à psycause.info@gmail.com et doit être accompagné de la photo de l’auteur (au minimum celle de l’auteur principal), des résumés en français et en anglais, des mots clés en français et en anglais. Des illustrations photographiques sont les bienvenues, avec une bonne définition compatible avec l’imprimerie sur support papier. Le directeur de la revue rappelle l’importance de l’acte qui consiste à s’abonner. Le Pr Fadhel Mrad annonce qu’il va solliciter un abonnement de l’hôpital.
Les questions suivantes portent sur le fonctionnement associatif, en particulier sur les colloques et congrès. Le Dr Jean Paul Bossuat explique l’organisation associative avec Psy Cause International qui peut se décliner en associations nationales Psy Cause liées par convention avec l’association mère. Il parle du prochain congrès international qui se déroulera cette année les 9 et 10 octobre prochains dans la Principauté de Monaco, et sera centré sur l’adolescence. La Pr Asma Bouden, professeur de pédopsychiatrie, chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Razi, présidente de la société tunisienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, se déclare intéressée par ce congrès auquel elle compte participer. Trois participants à la réunion, les Drs Yosra Zgueb, Uta Ouali et Rabaa Jomli, sont membres du forum bipolaire tunisien et une question est donc posée sur la place des troubles bipolaires dans les manifestations scientifiques de Psy Cause. Ce qui permet au Dr Jean Paul Bossuat de rappeler le colloque de Rochegude du 11 avril dernier, organisé dans le cadre de Psy Cause France, dont la thématique était les troubles bipolaires et dont un compte rendu détaillé a été publié sur le site.
Le débat porte ensuite sur le projet de congrès à Zarzis en 2016. Les propositions de Sfax et de Sousse sont présentées. À Tunis, on préfère décliner le thème en terme de « frontières » : les frontières étatiques, culturelles et sociétales, les frontières intrapsychiques, les frontières de la psychiatrie elle même avec le concept de santé mentale. La psychiatrie n’est pas toute la santé mentale et la santé mentale n’est pas toute la psychiatrie. Ce sera donc la proposition de Tunis. Les associations tunisiennes de psychiatrie sont bien représentées dans cette réunion : nous avons parlé de la présidente de la société tunisienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ; sont présents le président de la société tunisienne de psychiatrie, le secrétaire général de la société tunisienne de psychiatrie et l’ancienne présidente de la société tunisienne de psychiatrie ; également trois membres du forum bipolaire tunisien, ainsi que deux membres de l’association tunisienne des TCC. Un consensus se dégage en faveur d’un partenariat des diverses associations autour du congrès Psy Cause de Zarzis. Un consensus se dégage également en faveur d’une date autour de la mi-octobre 2016. La réunion s’achève par un tour de table où chaque participant se présente. Une proposition originale est émise par la Dr Anissa Bouasker qui souhaite publier à propos de son travail sur la réhabilitation des victimes de la torture.
La Pr Faten Ellouze et son chef de service, le Pr Fadhel Mrad, nous convient, après la réunion, à un repas de service au cœur du vieux Tunis à l’invitation du laboratoire Galpharma. Ce sera une occasion de parler de la clinique française, de personnages historiques comme Pinel et Esquirol, et de porter un regard contrasté sur Lacan. Nous remercions nos hôtes tant pour ce moment convivial qui nous a permis d’approfondir une connaissance mutuelle, que pour cette réunion porteuse d’avenir, de la matinée.
Jean Paul Bossuat