Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

Journal du congrès de Zarzis (Tunisie) : carnet N°3. Sousse (3 juin 2015)

Les relations entre Psy Cause et le Pr Béchir Ben Hadj Ali, qui nous accueille en ce 3 juin dans son service de psychiatrie du CHU de Sousse, sont anciennes puisque ce dernier avait invité le directeur de la revue Psy Cause aux Journées de Sousse d’avril 2009. Un compte rendu détaillé de cette manifestation scientifique fut publié dans la revue Psy Cause en fin d’année 2009 (N°54, pp 51 à 54). Cette invitation faisait suite à un premier contact à Marrakech dans le cadre du congrès de l’association franco-maghrébine de novembre 2008. Nous étions à l’époque très engagés avec les professionnels marocains dans le cadre des préparatifs de notre congrès international programmé à Marrakech en juin 2009.

 

01-ConstituanteLa révolution tunisienne a fait réagir le comité de rédaction de la revue Psy Cause qui votait une motion de soutien : « Le Comité de Rédaction de la revue francophone pluriprofessionnelle de psychiatrie Psy Cause, réuni au Centre Hospitalier de Montfavet le 21 janvier 2011, réaffirme son attachement aux libertés, salue le courage du peuple tunisien, exprime sa solidarité aux professionnels de la psychiatrie de ce pays et se met à leur disposition pour contribuer autant qu’ils le souhaitent à la diffusion de leurs expériences et à la mise en place de rencontres. » Un consensus s’établissait alors au sein de notre équipe sur la pertinence d’un congrès Psy Cause en terre tunisienne dès que possible. Nous envisagions en 2012 le sud tunisien.

 

Le Pr Béchir Ben Hadj Ali nous écrivait le 6 novembre 2012 : « La Société Tunisienne Hospitalo-Universitaire que je préside et la Société Tunisienne de Psychiatrie que préside Pr Rym Ghachem sont prêtes pour collaborer à l’organisation de ce colloque. Nous avons l’habitude d’organiser des congrès dans le sud et le choix de Zarzis est excellent. J’y étais il y a quelques jours et je suis encore tombé amoureux de cette région. Je vous propose d’ores et déjà un thème qui va me semble-t-il avec l’orientation de Psycause : Changements sociaux et troubles psychiatriques. C’est un thème très large qui peut toucher l’individu et la société et qui peut impliquer des intervenants psychiatres mais également d’autres horizons. Qu’est-ce que vous en pensez ? » Le 30 octobre 2013, le Pr Béchir Ben Hadj Ali nous fait l’honneur de rejoindre le comité de rédaction francophone de la revue Psy Cause.

 

02-Service-psychiatrieLa décision d’un congrès à Zarzis en 2016 est à présent actée par le Conseil d’Administration de Psy Cause International le 14 novembre 2014. Notre venue à Sousse ce 3 juin 2015 s’inscrit tout naturellement dans ce projet mais aussi pour approfondir durablement la présence de Psy Cause en Tunisie. Le Pr Béchir Ben Hadj Ali est un psychiatre engagé. Outre sa fonction de Chef du service de psychiatrie du CHU de Sousse où il nous reçoit, il est Vice-président de l’Université de Sousse, Doyen honoraire de la Faculté de Médecine de Sousse, Président de la Société Tunisienne de Psychiatrie Hospitalo-Universitaire, Président de la Société Franco-Maghrébine de Psychiatrie et Président de la Société Maghrébine de Psychiatrie.

 

Il nous confie que l’enjeu essentiel aujourd’hui pour la psychiatrie tunisienne, est de conserver sur son sol ses meilleurs talents. Ces derniers sont très sollicités à l’étranger et c’est le devoir de l’état tunisien de leur assurer un niveau de rémunération motivant, en rapport avec leur qualification.

 

Le Pr Béchir Ben Hadj Ali envisage la mise en place d’un réseau francophone de recherche Psy Cause qu’il pourrait piloter. Cette initiative serait bien évidemment chaleureusement accueillie au sein de l’ensemble Psy Cause. Quant au congrès de Zarzis, le Pr Béchir Ben Hadj Ali insiste sur l’intérêt des partenariats multiples pour impliquer le plus largement possible la psychiatrie tunisienne. L’organisation de ces partenariats pourrait, selon lui, aller jusqu’à coupler le second congrès tunisien de psychiatrie avec le congrès Psy Cause. Le premier congrès s’était déroulé à Tunis du 23 au 25 octobre 2014. Il avait, pour la première fois, regroupé la totalité des associations tunisiennes de psychiatrie. Psy Cause International, rappelons-le, y était représenté par son vice président, le Dr Thierry Lavergne. Le Pr Béchir Ben Hadj Ali a, dit-il, été enchanté d’avoir fait sa connaissance et des échanges qu’il a eus avec lui. Il considère que la structuration finale du congrès de Zarzis dépendra du consensus qui va se définir et que, de toute façon, nous pouvons compter sur lui.

 

03-Ben-Hadj-AliL’entretien se poursuit par une passionnante discussion à propos du thème du congrès. Le Pr Béchir Ben Hadj Ali évoque un projet qu’il a eu récemment pour la Société Méditerranéenne de Psychiatrie. Il est possible d’articuler en terme d’identité un héritage vertical et un héritage horizontal. L’héritage vertical est le roman historique d’une population, ses racines ethniques, culturelles et religieuses. L’héritage horizontal est un phénomène récent avec le développement exponentiel des moyens de communication au niveau planétaire. Ce que fait ou dit l’autre en Amérique, au Japon ou ailleurs s’entrechoque avec la pensée de l’individu où qu’il se trouve. Des idéaux, des concepts culturels, toutes sortes de repères étrangers à l’identité verticale circulent sans frontière. « Cela, on n’y pense pas vraiment », observe le Pr Béchir Ben Hadj Ali qui ajoute : « j’ai donc pensé à un thème de colloque qui pourrait être : Santé mentale entre héritage vertical et héritage horizontal. » Nous considérons donc que ce sera là la proposition de thème de Sousse. Le Pr Béchir Ben Hadj Ali conclut sur le souhait que le congrès de Zarzis se déroule vers la mi-octobre car les mois de mai et de juin sont complètement surbookés.

 

04-MlikaNous rencontrons ensuite Mr Salem Mlika, psychologue clinicien du service. Ce dernier, lui aussi, a une longue histoire avec Psy Cause. Lors des Journées de Sousse en avril 2009, il nous avait confié que la revue Psy Cause permettait la publication d’articles bâtis sur une réflexion à partir de mécanismes psychopathologiques mis en scène dans des cas cliniques. Alors que le modèle de l’objectivation statistique est la règle dans un certain nombre de revues scientifiques. Le pluralisme des approches dans notre revue lui avait permis de publier peu avant ce colloque un travail clinique avec une grille de lecture psychanalytique sur la dépendance chez des patients limites (Psy Cause N°53 pp 43 à 48). Il publiera début 2014, un second article à propos de deux cas de psychothérapie de personnalités borderline (Psy Cause N°65 pp 30 à 34). Ce 3 juin, il nous confirme son intérêt pour Psy Cause et nous parle de ses questionnements actuels, en particulier d’une épidémie actuelle de suicides chez des adolescents en recherche identitaire, dans un contexte marqué par le romantisme de l’immolation par le feu qui avait déclenché la révolution en Tunisie. Une problématique tout à fait en rapport avec notre projet de congrès.

 

Jean Paul Bossuat

Écrire les chiffres et les lettres apparus ci-dessous, dans le rectangle en dessous