Discours d’ouverture de Jane Mac Adam Freud au congrès Psy Cause de Pribor (mai 2011)
Tout d’abord, je voudrais adresser un remerciement spécial à la municipalité de Pribor, et aussi remercier Jean Paul Bossuat et le comité d’organisation de PsyCause pour m’avoir invité à cet évènement.
En rapport avec le thème de ce colloque, je voudrai parler de l’importance de Sigmund Freud dans le développement et la création de la psychanalyse, et de ma relation à Sigmund Freud, de son influence sur ma vie et ma carrière, de ce que Sigmund Freud représente pour moi.
Sigmund Freud a consacré une grande partie de son existence à développer ses théories dans un corpus systématisé de connaissance. Il a considéré, utilisé et corrélé le savoir des anciens.
Ce qui m’a intéressé, ce sont ses théorisations et ses pratiques, concernant le rêve comme symptôme névrotique et psychotique. Freud s’appuya sur sa propre expérience, percevant son inconscient à travers ses rêves, ce qui a fait qu’il a pu être dit que le plus créatif, et certainement mon favori de ses ouvrages, est l’interprétation des rêves.
Sans Sigmund Freud, sans la création et le développement de la psychanalyse, nous n’aurions ni les bases ni la suite pour appréhender ce cadre de pensée, humain et holistique, cette méthode d’investigation et de traitement de ce qui nous arrive lors des moments de souffrance avec ses conséquences.
Sigmund Freud a appréhendé le corps comme lieu de manifestation de l’esprit. Il a utilisé une démarche aussi scientifique que possible concernant une approche de l’humain.
Avec pragmatisme, il a beaucoup appris de ses patients. A la fois à travers leurs symptômes et aussi à travers leurs passages à l’acte, ce qui souvent, lui a permis d’aller de l’avant. La cure par la parole, qui rend la vie plus vivable pour beaucoup, reste autant en usage aujourd’hui qu’autrefois. Récemment, au Royaume Uni, les thérapies comportementales ont pris leur essor mais Sigmund Freud et la psychanalyse demeureront sans doute, aimés ou haïs mais jamais oubliés.
Sigmund Freud et la psychanalyse sont inextricablement liés et sont intégrés dans notre culture. Les mots de Sigmund Freud font désormais partie de notre langage quotidien.
Bien sûr, je n’ai jamais rencontré mon arrière-grand-père, Sigmund Freud, puisqu’il est mort en 1939 et que je suis née en 1958. Sigmund Freud fut le grand père de mon père, le peintre Lucian Freud. Mon père le rencontra et bien qu’il pense qu’il ne fut pas influencé par Sigmund Freud, il maintient que ce que Sigmund Freud disait, lui a toujours semblé fait sens. Lucian est le second des trois fils d’Ernest Freud. Ernest, le plus jeune fils de Sigmund fut architecte. Il a eu une relation étroite avec Ernest et Lucie mes grands-parents paternels, et il a passé pas mal de temps en leur compagnie lorsqu’il était enfant. Je pense que je dois beaucoup à mon arrière-grand-père, le père de la psychanalyse. Autant que je m’en rappelle, il garde une influence culturelle avec nous tous et avec moi. Nous ressentons tous que nous connaissons Sigmund Freud à travers ses œuvres, et par le biais de son influence sur la culture occidentale.
Cependant, Sigmund Freud a nettement influencé ma vie et ma carrière, et cette influence se manifeste à travers notre amour mutuel de la sculpture, à travers sa collection de plus de 2000 objets de sculpture antique maintenant conservée au Musée Freud à Londres et à travers mon travail de sculpteur.
J’étais artiste en résidence au Musée Freud durant 20 mois en 2005-2006 et j’ai étudié les antiquités de Freud en les dessinant. La collection de Freud a inspiré les sculptures et les installations que j’ai faites au cours de cette résidence.
Ces installations ont été montrées dans mon exposition de fin de séjour Relations Relative, Freud Museum 2006. Depuis, Relations Relative a voyagé à l’étranger, en totalité ou en partie. SF comme sujet spécifique, sa collection et ses théories ont influencé mon projet de sculpture. Freud collectionnait les sculptures, je crée des sculptures, ce jumelage apporte beaucoup de matériel à ma réflexion.
Lors de notre première visite à la maison natale de Freud, mon mari et moi sommes tombés amoureux de Pribor. Nous sommes initialement venus ici durant l’été 2006, j’étais invitée par la ville de Pribor pour être la marraine du livre publié à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Sigmund Freud.
La sérénité de cette belle ville et de ses gens nous a conquis et nous avons été conduits à acheter une propriété ici, que nous sommes en train de transformer en une maison et en un atelier où nous passerons du temps à apprendre la langue tchèque, à créer des œuvres d’art, à inviter nos amis.
Nous sommes retournés dans la région à plusieurs reprises. En 2007, j’ai exposé mes sculptures et mes dessins dans les belles pièces du Musée de Novojicinska, une ville voisine. Ce lieu, proche de la ville natale de Freud, entrait dans le cadre d’un triptyque de sites symboliques pour mon exposition Relations Relative. Relations relatives fut tout d’abord montré sur le lieu de la mort de Freud – le Musée de Freud à Londres, puis s’est déplacé au Musée de Harrow (la zone où je vie et travaille), puis au musée de Novojicinska en 2007.
Mon intérêt pour Sigmund a commencé lorsque, étudiante en art de 19 ans, j’ai choisi la psychologie comme un sujet de mémoire. C’est grâce au titre de l’essai « A quoi pensait Freud quand il écrivait (littéralement) Où id était, ego doit être », que j’ai commencé à lire Freud. Mon intérêt pour l’inconscient et pour son rôle dans l’art a commencé. Ce titre d’essai et de la recherche qui s’en suivit ont fait une impression durable sur moi. C’était le début de mon itinéraire, faire de l’art dans le contexte de la théorie psychanalytique.
Au moment où que j’ai fait ma maîtrise au Royal College of Art, je me suis orientée vers le processus décisionnel basé sur les travaux analytiques de la sculpture. Ce que Sigmund Freud est pour moi, l’est donc vu à travers mes yeux d’artiste. En fait, la psychanalyse freudienne a eu un impact omniprésent sur l’ensemble de la communauté artistique.
Dans leur travail les surréalistes des années 1920 essayaient d’explorer l’empreinte de l’inconscient. Aujourd’hui, de nombreux artistes utilisent la médiation artistique dans la publicité en utilisant le pouvoir de l’image : avec un diplôme d’école d’art on peut maintenant être employé en tant que directeur de création dans le champ de la publicité qui utilise tous les genres contemporains de performance, installation, concepts sonores et mixtes.
Certains artistes conceptuels utilisent une autre facette de l’analyse dans leur travail, le concept que tout est déterminé, le processus de création ne laissant rien au hasard, ce en quoi le processus se heurte à son inverse car, par définition, l’inconscient se doit idéalement d’être complètement réprimée. L’Art conceptuel est donc influencé par la psychanalyse et son inverse. Cette extrémité est un point de convergence !
L’art est pour moi une façon de se connecter à l’inconscient. La signification de ces connexions est souvent découverte a posteriori. La psychanalyse, et tout autant l’art et la poésie, pourraient se concevoir comme une voie d’accès à l’inconscient.
L’avenir de la psychanalyse s’inscrit dans le domaine du maintien de la santé mentale et de la raison – dans sa définition la plus large.
Dans un monde de science-fiction, celui des médicaments intelligents conçus pour améliorer la mémoire, de l’intelligence artificielle, des ordinateurs dépassant l’intelligence humaine, de la cartographie du cerveau pour identifier comment nous traitons les processus culturels de narration, etc., la psychanalyse se verra toujours plus convoquée afin de nous permettre de faire avec le Moi dans un monde en constante évolution. La vérité de la psychanalyse pour le monde est peut-être sa profonde compréhension et acceptation de l’individu comme un être en expérience.
L’art et la Science en sont maintenant à trouver un terrain d’entente, ce qui suscite des questions à propos de faire et de penser, rationalité et irrationalité, conscient et inconscient. En réunissant ces éléments, nous pourrions trouver des intrications entre les procédés utilisés par les artistes et ceux utilisés par les psychanalystes. Je pense que les deux disciplines utilisent l’intervention analytique comme moyen d’interprétation. Il se pourrait donc que psychanalystes et artistes se rejoignent à un certain niveau.
La psychanalyse comme art, pour l’art, avec l’art ? Après tout, il se dit que seuls les psychanalystes comprennent la psychanalyse et que seuls les artistes comprennent l’art, ce qui, dans les deux cas, est dû à leurs langues spécifiques et au caractère singulier de leur expérience. Cependant, la grande question est : psychanalystes et artistes peuvent-ils se comprendre ou s’inspirer l’un de l’autre. J’espère que la réponse est oui, et que ce type de collaboration continuera.
Jane Mac Adam Freud
NB : l’illustration a été choisie par la rédaction du blog.