Le courrier de décembre 2016 de la Bibliotheca Alexandrina
Comme chaque fin d’année depuis notre premier dépôt le 25 octobre 2003, le 4 décembre 2016, la direction de la Bibliotheca Alexandrina nous remercie de poursuivre les envois de la revue Psy Cause qui y est archivée depuis son N°1. Comme à la Bibliothèque Nationale de France ou dans la bibliothèque médicale du Centre Hospitalier de Montfavet (Avignon). Nous avons publié sur ce site, il y a un an, un article détaillé sur cette bibliothèque que nous encourageons les lecteurs à relire (et à trouver aisément dans la rubrique située dans la barre du haut de la page d’accueil : « Nord Afrique »). L’inauguration de cette bibliothèque en 2002 correspondait à une volonté politique de l’Égypte de renouer avec une approche éclairée de l’Islam des premiers siècles de l’empire arabe, qui considérait comme un enrichissement d’œuvrer à la transmission des apports des antiques civilisations qui l’ont précédé. À mon avis, il ne s’agissait pas de retourner à l’époque des Ptolémées, mais de renouer avec ce qui avait fait la grandeur de la civilisation arabe.
Ce qui est à l’opposé de l’Islam salafiste qui se répand de nos jours et qui serait en passe de réussir ce qu’en un siècle (du milieu du XIXème au milieu du XXème siècles) la domination européenne n’a pu amorcer, à savoir la mort d’une civilisation. Les salafistes ne réalisent pas qu’en détruisant les traces archéologiques de civilisations passées, ils détruisent leurs propres racines. Au Moyen Âge, les dirigeants musulmans avaient compris que leur religion triompherait d’autant plus sûrement qu’elle s’adapterait aux modes de pensée et de vision du monde des peuples de leur empire. L’histoire fourmille d’exemples de religions qui, faute d’évoluer ou en se tournant vers un passé révolu, ont disparu, à commencer par celle trimillénaire de l’Égypte antique. La position de l’homme au milieu de l’univers et la connaissance qu’il en a, ses propres angoisses sur ce qui constitue son existence individuelle, ne cessent d’évoluer. Après avoir domestiqué son environnement, l’homme est en passe de maîtriser sa constitution biologique intime. Après l’ère des sacrifices aux dieux pour infléchir les forces de l’univers, l’ère actuelle des monothéismes et du bouddhisme centrés sur l’inéluctabilité de la condition humaine, s’annonce une nouvelle ère avec de nouveaux repères, terreaux de nouvelles croyances. Dont l’accès à un paradis qui n’est ni sur terre, ni dans les cieux, mais dans l’univers virtuel d’une imagerie interconnectée.
La présence d’une revue comme Psy Cause, centrée sur les souffrances et les angoisses générées par la pensée, à la Bibliotheca Alexandrina est d’une grande valeur symbolique. Nous rappelons ce que nous écrivions il y a un an : « L’un des temps forts du premier congrès organisé par Psy Cause hors de France, fut la remise solennelle à la Grande Bibliothèque d’Alexandrie, le 25 octobre 2003, de la collection complète de notre revue. Le N°33 (juillet août septembre 2003) a symbolisé ce geste (photo ci contre). Il était introduit par deux éditoriaux signés le premier par le Dr Jean Paul Bossuat, et le second par le Dr Thierry Lavergne. Le premier éditorial évoquait la nécessité de la transmission des pratiques soignantes d’une génération sur le départ alors que l’hôpital change. Le second éditorial parlait de liberté : « La raison d’être de notre revue, c’est de croire que par la rencontre clinique et par l’échange entre partenaires du soin, on peut transcender le terrain. C’est de penser que l’effort théorique articulé à la praxis quotidienne permet de travailler l’accès à une liberté. » Ce don de la collection de la revue avait été couplé avec une conférence sur Hérophile, un grand médecin qui était venu dans la Bibliothèque d’Alexandrie sous Ptolémée II et qui a été cité par Freud dans la Traumdeutung comme le premier a avoir conçu que le rêve s’origine dans le désir. »
Cinquante professionnels, venus de toute la France et qui se reconnaissaient dans les actions de Psy Cause, avaient fait le déplacement. Dont les deux co-fondateurs les Drs Jean Paul Bossuat et Thierry Lavergne. Le directeur de la revue, le Dr Jean Paul Bossuat, écrivait le 17 janvier 2005 dans son éditorial du N°38 (en ligne sur notre site dans la rubrique « Anciens numéros » dans la barre du haut de la page d’accueil), consacré au colloque de 2003 en Égypte : « Si le commandant du Titanic, bardé de certitudes, avait pris en considération l’existence des icebergs sur sa route, il aurait fait œuvre utile auprès de ses passagers. Puisse Psy Cause contribuer à une prise de conscience de périls bien visibles pour qui accepte de les voir. » Ce vœu n’a pu freiner l’évolution défavorable des hôpitaux psychiatriques français qui ont été le creuset de Psy Cause et qui allait déstabiliser momentanément notre revue sept années plus tard, pas plus qu’il n’a permis d’apporter une réponse suffisante aux besoins des professionnels du nord de l’Afrique confrontés depuis 2011 aux convulsions du « monde arabe ». Aujourd’hui, Psy Cause joue un rôle de premier plan dans le développement très rapide de la santé mentale dans l’Afrique Subsaharienne et est une référence en Amérique du Nord francophone. Psy Cause a intégré l’institution OIF en septembre 2016.
Nous espérons un retour à Alexandrie comme cela nous est suggéré dans le courrier à lire ci-contre (en cliquant sur l’image). Il n’est pas encore programmé mais nous y serons présents dès que ce sera envisageable. Comme nous devrons répondre présents lorsque les professionnels de l’Afrique Méditerranéenne chercheront des appuis en période de reconstruction. L’association/revue Psy Cause, en 2017, peut être fière de la pérennité de ses relations avec la Bibliotheca Alexandrina.
Nous conclurons en rappelant nos propos écrits il y a un an à propos du courrier annuel reçu, qui n’ont pas pris une ride : « Il a mis un mois à nous parvenir : c’est un beau support papier et non un courriel dématérialisé. Tout un symbole à l’ère du numérique. Il est comme les écrits avec de beaux hiéroglyphes sur la pierre d’éternité des temples antiques dont la contemplation met le lecteur en contact direct avec la main du scribe au travers des millénaires, qui nous fait toucher la matérialité du temps qui fait défaut à notre époque. Il est la justification de notre revue papier sans la matérialité de laquelle, l’auteur d’un article qui se présente devant un jury, même avec un simple PDF, n’aurait pas la même crédibilité. Les Egyptiens anciens l’avaient compris lorsque dans les pyramides, ils ont éprouvé le besoin de graver sur les murs des salles funéraires leurs textes religieux et de ne plus se contenter de récitations même si elles étaient lues sur des papyrus. De nos jours, la numérisation des ouvrages des bibliothèques est, de surcroit, un moyen de conserver pour l’éternité, en un lieu caché, de précieux supports matériels. Ce courrier reçu d’Alexandrie, nous en donnons ci contre la version numérique et en conservons précieusement le support.»
Jean Paul Bossuat