Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

Les 31èmes rencontres de Saint Alban, les 17 et 18 juin 2016 (de notre envoyée spéciale)

Ce vendredi 17 et  samedi 18 juin 2016, à Saint Alban sur Limagnole, lors des 31èmes Rencontres  de Saint-Alban, le soleil renonça plusieurs fois laissant la place à un ciel grave, morne et trop souvent humide , un  peu comme si la météo avait décidé d’être en accord avec l’atmosphère.

 

01-Les-infos-de-Ludo-18-juinLa réforme du dispositif de financement de la formation a un impact visible sur la foule moins nombreuse qu’à l’accoutumé qui se rassemble au pied du château ; les étudiant-e-s du médico-social via les CEMEA sont quant à eux bien représenté-e-s.

 

Les Rencontres débutent par la traditionnelle séance plénière qu’ouvre le discours policé du directeur de l’hôpital. A l’écouter, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes ;  la salle prend son mal en patience et attend… L’agacement est cependant perceptible lorsqu’il évoque les bienfaits futurs des Groupements Hospitaliers de Territoires. Quelques applaudissements polis mais esseulés annoncent – enfin – le terme de ce monologue administratif qui ne semble s’adresser à personne.

 

Céline PASCUAL, Présidente de l’Association Culturelle du personnel de Saint-Alban pose les premiers mots de son intervention, et soigne l’ambiance… (http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=8298). Silence 02-Celine-Pascalattentif et concentré de l’assemblée.

Elle déroule son propos sereinement, dénonce les GHT en écho à ce qui vient d’être soulevé à La Criée, à Reims (http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=8295) , décrit la dérive sécuritaire, déshumanisante et abrutissante autant pour les soigné-e-s que pour les soignant-e-s, et réaffirme les “deux jambes” nécessaires pour que la psychothérapie institutionnelle se mette en mouvement : la psychanalyse et le marxisme libertaire. Elle termine en ouvrant sur les questions des ateliers : qu’est ce qui nous travaille ? Qu’en est-il du travail de la pensée ? Où se cache le travail en institution ?

 

Avant que les participant-e-s ne rejoignent leurs ateliers, l’artiste Tolten (http://www.tolten.org/) slame son croquis sonore, moi j’attrape “GHT la Lozère et j’ai vendu mon âme”, il déclame ensuite un poème de Tosquelles. Fil rouge qui viendra ponctuer chacune de ses interventions.

 

Nous partons donc pour les ateliers avec en toile de fond les figures tutélaires de la psychothérapie institutionnelle, dont il est pourtant nécessaire de se dégager sans pour autant les renier, pour réinventer le travail.

 

03-FunambulesAvec mes collègues de l’I.M.E. La Pinède, nous intervenons à 4 voix dans l’Atelier 2, Individuel et Collectif.  Nous portons la parole singulière d’un établissement du médico-social qui s’aventure sur le terrain de la psychiatrie et se la réapproprie sans y être vraiment invité. Nous entendons l’effet d’ “intrusion”, et pourtant, c’est  bien la (pédo)-psychiatrie (ou plutôt les effets de son abandon de la question du soin dans notre région de Montpellier) qui, en faisant irruption dans nos établissements, nous ont poussés à penser autrement nos pratiques. Nous amenons avec nous, le documentaire “Comme des funambules” (http://www.stephan-balay.fr/comme-des-funambules)  qui sera projeté à la suite des ateliers, une autre façon d’ouvrir la parole.

 

Les différentes équipes témoignent toutes de la créativité qui est la leur, dans leur travail quotidien. Et il en faut de l’inventivité pour se déjouer des protocoles, échapper à la gestion comptable afin d’être dans une rencontre authentique et soignante.

 

En passant d’un espace à un autre, quelque chose me chagrine, sans que je puisse le définir d’emblée. Ce n’est qu’à la fin de ces deux jours, que cela m’apparaît : l’absence des patient-e-s. Serait-ce l’un des effets de la rigidification administrative? Peuvent-ils encore s’autoriser à circuler, à s’inviter dans les débats ? Et si nos chemins ne se croisent plus, comment alors se rencontrer ?

 

Quelque chose paraît figé. À la lourdeur de la gestion comptable, semble s’ajouter celle du poids de l’histoire. Certes, nous étayons nos réflexions grâce aux travaux laissés par les acteurs historiques, mais comment remettre en mouvement les deux jambes de la psychothérapie institutionnelle qui s’ankylosent à force d’immobilisme et de peur de bouger, peut être parce qu’au point de déséquilibre, la chute est toujours possible..

 

Je ne peux m’empêcher de penser à Oury et au Collectif,  “machine abstraire à traiter toutes les formes d’aliénation”. Y compris l’aliénation sociale. La bataille se mène au cœur de la clinique et du politique, faire l’un sans l’autre revient à ramer toujours du même côté …et donc à tourner en rond !

 

Oury engagé jusqu’à son dernier souffle, refusait de venir les dernières années à ce rendez-vous…manqué ?

 

04-AfficheLors de la table ronde de clôture, le contexte de lutte ( Loi travail, GHT) est évoqué, mais en creux et sans perspective d’organisation collective, même si Thierry Najman du Collectif des 39 est présent. Je ne peux que remarquer l’absence notable d’acteur/trice du médico-social sur l’estrade, alors même que le secteur est très engagé et vigilant aux attaques gestionnaires et sécuritaires. Les acteurs historiques, quant à eux, s’accrochent à leurs sièges… Cosimo Santese de la Rose Verte (Alès) distribue la parole, attentif à la respiration de la salle.

 

Lise Gaignard, psychologue, chercheur dans la psychodynamique du travail et psychanalyste. éclaire et réveille la salle avec ses réflexions autour du concept de travail. Sa contribution, au regard de l’actualité, nous place au cœur du sujet, sans l’attaquer frontalement.

 

La salle réclame la dimension politique et ramène la question à plusieurs occasions. Un lien finit par se faire entre l’enfermement psychiatrique et le sort réservé aux migrants, mais on peut regretter qu’il soit arraché par l’assemblée…

 

Dernier croquis sonore de Tolten, je me tourne vers lui pour mieux l’écouter, dans mon champ de vision et projeté sur l’écran de retransmission, il y a Jacques Tosquellas, dont je vois l’émotion monter à mesure que le slameur fait vivre les vers de son père.

 

Philippe Bichon, psychiatre à La Borde est le dernier à intervenir, il fait part de sa rencontre avec un très vieux patient de l’hôpital de Saint Alban , à qui il demande, mais pourquoi vous ne les formez pas, ces jeunes soignant-e-s ? Réponse du patient : cela ne sert à rien, ils ne se sentent pas concernés …Le patient en question a rédigé un texte dont le psychiatre se fait le porte parole. En l’écoutant, à cause peut être de cette façon délicate de poser sa voix, le visage et les intonations d’Oury viennent, par instant fugace, se superposer.

 

Finalement, pour peu qu’on soit suffisamment dans le paysage,  les derniers mots sont toujours ceux des patient-e-s…

 

Guénaelle Reynes

Référente Psy Cause pour la psychothérapie institutionnelle

 

 

 

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