PV du colloque Psy Cause Togo et Société Togolaise de Santé Mentale, des 15 et 16 septembre 2016
Procès Verbal du premier congrès de la Société Togolaise de Santé Mentale combiné à la seconde Journée scientifique de Psy Cause Togo
L’an deux mille seize et les quinze et seize septembre, s’est tenue à la Bluezone de Cacaveli et à la Clinique de Psychiatrie et de Psychologie médicale du CHU-Campus à Lomé, le 1er Congrès de la Société Togolaise de Santé Mentale combiné à la 2ème Journée Scientifique de Psy Cause Togo, sous le Thème : « Les bonnes pratiques culturelles et la santé mentale ».
Le 1er jour du Congrès a concerné essentiellement les séances de communication et s’est déroulé à la Bluezone de Cacaveli. Au total une soixantaine de participants de 4 différentes nationalités étaient présents (Togo, France, Bénin, Centrafrique). Les échanges ont été interactifs et productifs entre différents acteurs à savoir psychiatres, médecins d’autres spécialités, psychologues, anthropologues, master en santé mentale, sages-femmes et infirmiers.
La séance a débuté à 8 heures 30 par les mots de bienvenue du Président de la Société Togolaise de Santé Mentale, Président du comité d’organisation (Professeur Kolou Simliwa DASSA) ; du Président de Psy Cause Togo (Docteur Saliou SALIFOU) ; de la représentante de Psy Cause International (Docteur Catherine LESOURD) et le mot d’ouverture du Congrès, mot prononcé par le Doyen de la Faculté des Sciences de la Santé de l’Université de Lomé (Professeur Abdou Rahmane Diparidé AGBERE) qui a souhaité un plein succès au Congrès. Cette cérémonie d’ouverture a pris fin avec la photo souvenir faite à l’entrée de la salle polyvalente de la Bluezone de Cacaveli.
Dans un 2ème temps, les conférences inaugurales ont débuté après la séance photo. A tout seigneur, tout honneur, le Professeur Emérite René Gualbert AHYI a inauguré les conférences par son mot introductif intitulé « Les bonnes pratiques culturelles et la santé mentale en Afrique noire: les interrogations béninoises ». Nous joignons à ce rapport l’intégralité du discours du Prof Emérite René Gualbert AHYI puisqu’un résumé ne permettra pas de comprendre toute la profondeur.
Ensuite, le Professeur Kolou Simliwa DASSA a enchaîné avec sa conférence intitulée : « Rituels traditionnels et prévention des troubles psychiatriques en Afrique sub-saharienne ». Le Professeur Kolou Simliwa DASSA, par 2 exemples (Gestion du psycho-traumatisme chez le chasseur par le rituel kidjèkou en pays kabyè et le rituel de veuvage dans les cultures togolaises) a souligné le fait que beaucoup de rituels traditionnels sont de l’ordre d’une psychothérapie préventive contre les troubles psychiques de tout genre et il serait important d’initier des études comparées entre stratégies culturelles et gestion moderne des troubles mentaux. La troisième conférence intitulée : « Religiothérapie des troubles mentaux en Afrique sub-saharienne » a été présentée par le Professeur Josiane EZIN-HOUNGBE. Dans son exposé, le Professeur Josiane EZIN-HOUNGBE a donné plusieurs définitions de la religion avant d’expliquer la logique du recours aux thérapies religieuses en Afrique Subsaharienne. L’une des définitions est celle de Guy Ménard qui propose de définir la religion comme la gestion du sacré. La religion peut être comprise comme les manières de rechercher et/ou trouver des réponses aux questions les plus profondes de l’humanité. En Afrique subsaharienne, la maladie mentale est perçue comme un envoûtement, une malédiction, parfois un ensorcellement, une sanction, le prix à payer pour un péché, la colère d’un dieu ou les conséquences du non-respect des règles socio-culturelles. On comprend alors l’itinéraire thérapeutique que suivent les patients ou leurs familles dès qu’ils sont face à la pathologie mentale. Certains ont recours aux tradithérapeutes qui utilisent comme moyen la géomancie, l’art divinatoire communément appelé le fâ pour identifier l’origine de la pathologie et la conduite à tenir. D’autres patients ont adhéré à des religions modernes ou révélées (Catholique et Islam) ou nouvelles (dérivées du christianisme). Ces religions étant très culpabilisantes, ces convertis se voient persécuter par leur entourage et s’imaginent que toute leur pathologie relève des attaques occultes : que ce soit par sorcellerie (anthropophage), par envoûtement ou par maraboutage. Ils se tournent alors vers les responsables de leur religion pour une prise en charge spirituelle. Les patients qui se tournent vers les thérapies religieuses sont à la recherche d’une puissance capable d’anéantir les forces néfastes cause de leur maladie. Les patients recherchent des bienfaits immédiats en d’autres termes la guérison. Les cultes de guérison proposent en fait deux types de saluts : un salut dans un ailleurs et un au-delà (post mortem) et un salut immédiat c’est -à -dire ici et maintenant une simple guérison… Les thérapeutes religieux ont recours à plusieurs pratiques. Ils utilisent plusieurs rituels, la flagellation, la phytothérapie, l’exorcisme etc…. Les résultats sont divers allant de la guérison spectaculaire à la chronicisation de la pathologie. Le Professeur Philippe NUBUKPO n’ayant pas fait le déplacement pour cause d’un empêchement, sa conférence « Cultures et addiction en Afrique Subsaharienne » a été affichée. Un débat a clôturé les conférences inaugurales et se fut la pause-café.
A la reprise, 6 communications sur 9 dans le groupe PCSM (Pratique Culturelle et Santé Mentale) se sont déroulées, à savoir :
- Mariage coutumier et santé mentale
- Le rite de veuvage de la femme chez les Yakomas de Centrafrique : violence ou therapie ?
- Vivre le deuil au sud du Bénin
- La tête qui chauffe : c’est un appel au secours de l’aîné en Afrique subsaharienne
- Prévention et réparation du reniement dans les cultures togolaises
- Perception de la maladie mentale chez les Moba du Togo
Un retard au niveau de la pause déjeuner a permis de continuer avec les 2 premières communications de l’après-midi. Après la pause déjeuner, 5 autres communications ont complétées la liste du groupe CLIP (Communication Libre en Psychiatrie) donnant un total de 7 communications, à savoir :
- Utilisation de l’internet et cyberaddiction chez les adolescents : une réalité ?
- Hémodialyse chronique et dépression au CHU Sylvanus Olympio de Lomé (Togo)
- Choix préférentiels de l’épreuve du rorschach dans la culture togolaise
- Les manifestations psychiatriques des traumatisés crâniens
- Troubles anxio-dépressifs dans la lombalgie commune chronique en consultation rhumatologique à Lomé (Togo)
- Automédication par les anxiolytiques dans la commune de Sokodé : fréquence et facteurs associes
- Psychose hystérique : cas clinique d’Hugo
Après un débat sur ces 7 communications, 5 communications du groupe CLAS (Communication Libre Autre Spécialité) ont clôturées la série de communications, à savoir :
- Evaluation sur une période de 3 ans, du taux de mortalité d’une cohorte de survivants a un premier épisode d’AVC
- Facteurs socio-culturels et succès thérapeutique chez les personnes vivant avec le VIH suivies a la clinique principale de l’association togolaise du bien être familiale (ATBEF) du Togo
- Pelade à Cotonou: aspects épidémiologiques, cliniques et facteurs psychogènes associes
- Syndrome de cushing secondaire à un adénome surrénalien en milieu hospitalier à Lomé (Togo)
- Thrombophlébite du sinus caverneux révélant une tuberculose maxillo-faciale
En fin de journée, le Professeur Emérite René Gualbert AHYI a repris la parole pour conclure en nous invitant à nous intéresser à nos cultures, sources de savoir ancestral en techniques psychothérapeutiques afin qu’au rendez-vous du donner et du recevoir, que nous n’allions plus les mains vides. La remise des attestations de participation et de communication a mis fin au 1er jour du congrès.
Au 2ème jour du Congrès, une séance de travail entre le comité d’organisation, Psy Cause Togo, et la représentante de Psy Cause International (Docteur Catherine LESOURD) a eu lieu au bureau du Professeur Kolou Simliwa DASSA à la Clinique de Psychiatrie et de Psychologie médicale du CHU-Campus à Lomé. Cette séance a permis de faire le point sur le jour précédent et de discuter de l’avenir, c’est-à-dire le congrès de Psy Cause international à Lomé en 2018. Les grandes lignes qui devront être discutées avec le Docteur Jean Paul BOSSUAT, Président de Psy Cause international sont :
- Le thème du congrès de Psy Cause internationale à Lomé en 2018. Nous avons pensé qu’il devra tourner autour de la culture à savoir : la structure familiale en Afrique ou la femme et l’art africain. Dans tous les cas, il devra y avoir un thème principal et des sous thèmes.
- Les communications devront tenir simultanément dans 2 salles et sur 2 jours.
- Les mois de mars ou avril eu égard à la disponibilité des uns et des autres, le mois de novembre à cause du festival des divinités noires à Aného sont des mois favorables au congrès.
- Le lieu privilégié est la Bluezone de Cacaveli à cause de la gratuité du lieu mais avec la contrainte de louer une tente climatisée qui abritera la 2ème salle de conférence. Avec un peu de chance, la construction de la 2ème Bluezone sera terminée avant 2018, ce qui nous offrira plus de possibilité. Toutefois l’Agora Senghor de Lomé reste une alternative.
- Le congrès de Psy Cause international à Lomé en 2018 se terminera par la visite de quelques structures hospitalières et de lieux touristiques à savoir le royaume des Gains, la festivité des divinités noires et d’autres lieux à cibler.
Le 1er Congrès de la Société Togolaise de Santé Mentale combiné à la 2ème Journée Scientifique de Psy Cause Togo, sous le Thème : « Les bonnes pratiques culturelles et la santé mentale » a pris fin le 16 septembre 2016 à 12 h 00 avec la présence du comité d’organisation, du comité scientifique, du président et du trésorier de Psy Cause Togo et de la représentante de Psy Cause Internationale à un déjeuner offert par la Société Togolaise de Santé Mentale et Psy Cause Togo dans un restaurant de la place.
Fait à Lomé le 23 septembre 2016
Saliou Salifou
Les bonnes pratiques culturelles et la santé mentale en Afrique noire : les interrogations béninoises
René Gualbert AHYI, Professeur Emérite de Psychiatrie d’Adultes
Il nous revient l’insigne honneur d’introduire le thème de notre premier congrès ; permettez-moi mesdames et messieurs les congressistes de vous remercier sincèrement pour la considération que vous me faites et certainement à tous les gens âgés désignés en langue nationale fon « Mêxo » ; c’est-à-dire les personnes dont on entend ou on doit écouter la parole. Mais pourquoi faire ?
- Peut-être pour tisser la nouvelle corde sur l’ancienne, mais à condition qu’elle soit solide.
- Peut-être aussi parce qu’on a dit qu’un vieillard assis voit plus loin qu’un jeune debout. Mais ceci est-il encore vrai de nos jours, avec la masse de connaissances actualisées et accessibles via les prouesses des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication).
- Peut-être enfin pour grâce à notre nombre aujourd’hui important, porter aux autorités politico-administratives de nos diverses républiques les reproches faites à elles par un grand tradithérapeute béninois: «Monsieur le Professeur AHYI et vos collaborateurs, vous les représentants des structures reconnues par l’Etat après nos indépendances nominales ; pouvez-vous nous faire entendre par les Ministres de l’Intérieur et de la Santé qui ont déclenché la chasse aux sorciers qui se manifeste sous forme d’un acharnement sur les irokos et les forêts sacrés parce que selon eux, ils hébergent les assemblées des sorciers transformés en hiboux pour leurs repas anthropophages. Il faut avant toute décision qu’ils comprennent les faits culturels et en sachent l’utilité avant de les décréter bonnes ou mauvaises pratiques. Les forêts sacrées chez nous ne sont que des forêts classées qui servent à protéger sous le prétexte du sacré les essences rares dont soit les feuilles, les écorces ou les racines soignent et guérissent des affections graves et redoutées. »
- Mais nous pensons que c’est certainement pour suivre les conseils du visionnaire panafricaniste Feu Président Kwame Nkrumah. En effet, il nous recommandait de connaitre notre peuple et sa culture ; de faire des projets avec lui ; de travailler avec lui, de commencer par ce qu’il connaît et de construire avec ce qu’il a… etc.
Les bonnes pratiques culturelles ; comment les savoir et les juger sans s’en imprégner et les appliquer si on arrive à y comprendre quelque chose ; comment les faire partager :
- sans heurter certains ;
- sans être rétrograde passéiste;
- sans être des imprudents, diffuseurs et violeurs de secrets endogènes des couvents des ancêtres.
Dans mes propos d’introduction ce jour je me propose de vous relater le résumé de trois (03) expériences personnelles vécues à Cotonou.
1°) Les leçons à tirer de la pratique culturelle du « HOXOSUDIDE » : VICTOIRE SUR LA MORT (Réflexion sur la clinique du deuil des jumeaux)
2°) Le rituel de purification des lieux de soins qui sont aussi des lieux de souffrances
3°) La consultation du Fa (Géomancie, art divinatoire de pratique courante au Bénin et dans la sous-région qui ici lance un SOS, éclaire et protège le praticien moderne que je suis)
Conclusion
Mes récits n’ambitionnent que de lancer les exposés, les réflexions et les débats sur le thème du 1er congrès de la Société Togolaise de Santé Mentale et de la 2ème journée scientifique de Psy Cause Togo sur LES BONNES PRATIQUES CULTURELLES ET LA SANTE MENTALE. Mais d’ores et déjà, eu égard à mes expériences, je nous invite à reconnaitre avec humilité qu’au terme de toutes nos études des techniques étrangères à notre culture, il nous faut modestement nous mettre à l’école de l’observation et de l’écoute compréhensive pour ne pas continuer à oblitérer ce qui, hélas, l’a été déjà de trop.